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et Lahire, sans cependant rompre ouvertement, loyalement, avec ces traîtres en les dénonçant à la vindicte publique, soutinrent qu’il était politique de mettre promptement à profit l’exaltation, inspirée à la population et à la soldatesque par la présence de la Pucelle, qu’il fallait la seconder si elle faisait preuve d’un véritable génie militaire. Malgré ces observations, la majorité des chefs de guerre persévéra dans son mauvais vouloir contre la jeune fille de Domrémy, qu’ils jalousaient vilainement ; Gaucourt augura bien de ses noirs projets, sans pourtant oser encore s’ouvrir à ses complices sur cette machination infâme : « Faire tomber la Pucelle entre les mains des Anglais, en l’abandonnant dans une sortie et relevant le pont-levis derrière elle… » ainsi que cela devait, hélas ! arriver un jour, fils de Joel…


Jeanne, après sa longue excursion au dehors d’Orléans en compagnie de maître Jean, qui retourna tôt et vite à ses deux chères couleuvrines, Riflard et Montargis, afin de fêter à sa façon la bienvenue de sa payse, en envoyant aux Anglais force boulets meurtriers ; Jeanne dit à Gaucourt et à d’autres, qui vinrent la voir, qu’elle s’était recueillie, que ses voix lui conseillaient d’attaquer le lendemain dimanche matin, avec toutes les forces de l’armée réunies, la bastille des Tournelles, afin de dégager d’abord la tête du pont d’Orléans ; l’on assurerait ainsi du côté de la Beauce le ravitaillement de la ville, où les vivres commençaient à manquer, et l’on faciliterait l’entrée des renforts que l’on pourrait recevoir de Tours ou de Blois. Les capitaines, religieux hommes s’il en fut, se signèrent en entendant la Pucelle, fille de Dieu, proposer cette énormité : combattre un dimanche ! Ne serait-ce pas, objectaient-ils à Jeanne, inaugurer ses armes par un sacrilége ? Quant à eux, leur main se sécherait plutôt que de tirer l’épée en ce jour, dévolu au repos de par les commandements de leur sainte mère l’Église catholique, apostolique et