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d’années ! de la Gaule à bout de maux, de misères, et que le Seigneur Dieu prenait enfin en pitié ! Aussi, retrempant sa foi, son énergie dans le souvenir des promesses de la voix mystérieuse qui la guidait, se rappelant les prophéties de Merlin, confiante dans son génie militaire, qu’elle sentait se développer en elle, puisant dans la conscience de sa pureté, dans l’ardeur de son patriotisme, le courage de se résigner à l’ignominie dont on la menaçait, mais voulant cependant tenter de s’y soustraire, elle leva vers Charles VII ses yeux noyés de larmes et lui dit :

— Hélas ! sire, pourquoi ne pas me croire et me mettre à l’œuvre ? Je vous le jure, je suis venue à vous de par la volonté du ciel[1] !

— Ce sont là, ma fille, de belles paroles ; mais pour que nous y ajoutions créance, il faut d’abord et avant tout, je le répète, constater que tu es pucelle, et que Dieu et non le démon t’envoie vers nous !… Si tu te refuses à cette épreuve, retourne à tes brebis !

— Qu’il en soit donc ainsi que vous le voulez, sire ! — répondit Jeanne, le cœur brisé. — Mon Dieu ! je sais que j’aurai beaucoup à souffrir à Poitiers, beaucoup à faire pour persuader que je dis la vérité ; mais le Seigneur me viendra en aide[2]

— Demain, donc, tu seras conduite à Poitiers, où tu seras examinée charnellement, et interrogée sur les matières de la foi par de doctes clercs en théologie, — répondit Charles VII ; et il s’éloigna, haussant légèrement les épaules.

  1. Chronique de Perceval de Cagny, ap. Quicherat, t, III, p. 71.
  2. Ibid.