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avait présidé à la mutilation et au supplice de Perrin Macé. Le maréchal et le sire de Conflans, autre conseiller favori du régent, tous deux superbes, arrogants, jetèrent sur les rares spectateurs du cortége des regards dédaigneux et menaçants, et échangèrent quelques mots à demi-voix avec le sire de Charny, courtisan non moins aimé du prince que détesté du peuple. Soudain Rufin-Brise-Pot sentit son bras brusquement saisi par la main vigoureuse de Guillaume Caillet, qui, les yeux fixes, étincelants, la poitrine bondissante, disait à l’écolier d’une voix entrecoupée :

— Regarde… les voilà !… les voilà tous deux !…

— Qui cela ?

— Le seigneur de Nointel ! et l’autre, le chevalier Gérard de Chaumontel !… Oh ! les vois-tu tous deux avec leurs chaperons écarlates, là-bas, à côté de ce gros homme qui porte un manteau d’hermine ?

— Oui, oui, je vois ces deux seigneurs, — reprit l’écolier, surpris de l’émotion du paysan ; — mais pourquoi tremblez-vous ainsi ?

— Au pays on les croyait morts ou prisonniers des Anglais, — reprit Guillaume ; — heureusement, il n’en est rien… Les voilà… les voilà… je les ai vus de mes yeux !… — Puis, les lèvres contractées par un sourire effrayant, le serf ajouta en levant ses deux poings vers le ciel : — Oh ! Mazurec !… oh ! ma fille ! enfin les voilà de retour ces deux hommes ! Ils vont retourner au pays pour le mariage de la belle Gloriande… nous les tenons… nous les tenons !…

— Le regard de cet homme me donne le frisson, — se dit l’écolier en contemplant le paysan avec stupeur ; et il ajouta tout haut : — Ces deux seigneurs dont vous parlez, quels sont-ils ?

Mais Guillaume reprit, sans répondre à Rufin : — Oh ! plus que jamais, j’ai hâte de parler à Marcel !

— En ce cas, — reprit l’écolier, — venez vous reposer chez moi, et à la tombée du jour nous irons attendre le prévôt des marchands au couvent des Cordeliers, où il doit ce soir haranguer le peuple. Mais, encore une fois, quelle est la cause de votre surprise à la vue