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ment parler à deux personnes : à Mahiet-l’Avocat et à Marcel ; les connaissez-vous ?

— Mahiet-l’Avocat, — reprit vivement Rufin, et une expression de tristesse rembrunit sa figure joviale, — vous le connaissiez, ce pauvre Mahiet ?

— Lui est-il donc arrivé malheur ?

— Il était parti pour aller assister à un tournoi en Beauvoisis, il y a déjà quelque temps de cela, et le pauvre garçon n’est jamais revenu… Son vieux père, déjà malade, est mort de chagrin par suite de la disparition de son fils… Brave Mahiet ! je suis entré à l’Université un an avant qu’il en sortît ! C’était le meilleur, le plus vaillant garçon du monde… il aura été tué au tournoi ou assassiné en revenant à Paris, car les routiers infestent tous les chemins.

— Non, il n’a pas été tué au tournoi de Nointel, car, dans la nuit qui a suivi la passe d’armes, j’ai vu Mahiet monter à cheval pour s’en retourner à Paris.

— Vous l’avez vu ? vous êtes donc du Beauvoisis ?

— Oui, — répondit Guillaume Caillet. Puis il ajouta avec un soupir : — Allons, ce jeune homme est mort ; c’est dommage ; ils sont rares ceux qui, comme lui, aiment Jacques Bonhomme. — Et, après un moment de silence : — Et pour parler à Marcel comment faire ?

— Me suivre au couvent des Cordeliers ou, après l’enterrement, doit se rendre le prévôt des marchands pour haranguer le peuple.

— Marchez, — dit Guillaume, — je vous suis.

— Venez, nous sortirons par la porte au Coquillier ; ce sera le chemin le plus court.

Le vieux paysan marcha silencieusement à côté de Rufin qui voulut lui arracher quelques paroles au sujet de son voyage ; mais le serf resta impénétrable. Sortis par la porte Saint-Denis, et suivant les rues des faubourgs, beaucoup moins encombrées de population, Guillaume et son guide venaient de quitter la rue Traversine pour entrer dans la rue Montmartre extra muros, lorsqu’ils entendirent