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royal qui, selon l’usage, se rangea du côté de la seigneurie contre les vassaux.

— Amis, — cria Adam-le-Diable en courant parmi les groupes des serfs pour enflammer leur courage, — si les seigneurs sont cent, nous sommes mille. Est-ce que tout à l’heure Mazurec avec son bâton et une poignée de sable n’a pas désarçonné un chevalier ? Prouvons à ces nobles que nous ne les craignons pas. Aux pierres ! aux bâtons ! délivrons Mazurec-l’Agnelet !

— Oui, oui, aux pierres ! aux bâtons ! délivrons Mazurec ! — répondirent les plus hardis de la foule, — au diable nos seigneurs, ces maudits couards qui veulent nous laisser à la merci des Anglais !

Déjà, sous la pression de cette multitude furieuse, une partit des barrières de la lice s’était rompue ; grand nombre de vassaux, s’armant de ces débris de charpente, redoublaient d’imprécations et de menaces contre les seigneurs, lorsque Mahiet-l’Avocat, attiré par le tumulte, se jeta dans la foule et, avisant Adam-le-Diable qui, l’œil étincelant, brandissait déjà comme une massue l’un des pieux de la barrière, courut à la rencontre du serf et s’écria : — Je t’en conjure… pas d’attaque… ces malheureux vont être écharpés… tu vas tout perdre… Enfer ! c’est trop tôt… le moment n’est pas venu.

— Il est toujours temps d’assommer les nobles, — répondit Adam-le-Diable en grinçant des dents, et il redoubla ces cris : — Aux pierres ! aux bâtons ! délivrons Mazurec !

— Mais tu le perds ! — s’écria Mahiet désespéré, — tu le perds ! et j’espérais le sauver. — Puis, s’adressant aux serfs qui l’entouraient : — Je vous en supplie, n’attaquez pas les seigneurs, votre révolte est partielle… vous êtes en rase plaine, ils sont à cheval, vous serez massacrés.

La voix de Mahiet se perdit au milieu du tumulte, et ses efforts demeurèrent impuissants devant l’exaspération de la multitude. Il se trouva séparé d’Adam-le-Diable par un reflux de la foule, et bientôt les prévisions de l’avocat ne se réalisèrent que trop. La noblesse, un