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marquablement belle, mais d’une beauté hautaine et hardie, la lèvre dédaigneuse, le regard impérieux, Gloriande trône superbement sous une espèce de dais placé au milieu de l’estrade d’où elle peut dominer le champ clos. Son père, fier de la beauté de sa fille, se tient debout derrière elle ; les nobles hommes et les nobles dames de l’assemblée, quel que soit leur âge, sont assis sur des banquettes de chaque côté du dais où se pavane la jeune reine du tournoi. Soudain les clairons sonnent l’ouverture des passes d’armes. Un héraut vêtu mi-partie rouge et jaune, aux couleurs de Nointel, s’avance au milieu du champ clos et s’écrie selon l’usage : — Écoutez, écoutez, seigneurs et chevaliers, gens de tous états, notre souverain seigneur et sire, par la grâce de Dieu, Jean, roi des Français, dépend, sous peine de vie et de la confiscation des biens, de parler, de crier, de tousser, de cracher, de faire aucun signal pendant le combat.

Le plus profond silence s’établit ; l’une des barrières s’abaisse, et le sire de Nointel, revêtu d’une brillante armure d’acier rehaussée d’ornements d’or, paraît dans la lice, monté sur un vigoureux destrier richement caparaçonné qu’il fait piaffer, caracoler avec aisance ; puis il s’arrête au pied du dais où trône Gloriande de Chivry, et la damoiselle, détachant sa gorgerette brodée de fils d’or, la noue au fer de la lance que son fiancé abaisse devant elle. Il est accepté par ce don de sa dame comme chevalier d’honneur ; en cette qualité, il exerce une surveillance souveraine sur les combattants, et si, du bout de son arme, où flotte la gorgerette de la reine du tournoi, il touche l’un des tournoyeurs, celui-ci doit à l’instant cesser de combattre. En donnant sa gorgerette à son chevalier, la belle Gloriande a complétement mis à nu ses épaules et son sein ; elle accueille sans rougir les témoignages d’admiration de ses voisins dont les louanges libertines se ressentent fort de la crudité obscène du langage de ce temps-ci. Le sire de Nointel, après avoir fait le tour du champ clos en déployant de nouveau son adresse d’écuyer, revient se placer au bas de l’estrade, où est dressé le dais de la reine du tournoi, et lève sa lance. Aussitôt les clairons re-