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Chers lecteurs,


Qui d’entre vous n’a tressailli d’un saint respect mêlé d’attendrissement et de douleur au nom de Jeanne Darc[1] ? qui n’a contemplé avec émotion cette statuette signée : Marie d’Orléans, chef-d’œuvre d’expression et de simplicité, devenu populaire comme la gloire de l’héroïne, pieux hommage rendu à la vierge plébéienne par une main royale aujourd’hui glacée[2] ?…

Et pourtant, chers lecteurs, beaucoup d’entre vous ignorent certains faits héroïques ou navrants, touchants ou sublimes, qui vous rendraient encore plus adorable, plus sacrée, la mémoire de Jeanne Darc. Puis, ce nom éveille sans doute vaguement en vous l’idée d’une vie miraculeuse ? Cette idée trouble, déroute l’esprit ; souvent aussi l’intérêt diminue, s’efface, devant le surnaturel : Où est le mérite d’accomplir une tâche immense à l’aide de moyens miraculeux ? l’œuvre n’est-elle pas plus admirable si elle s’est réalisée naturellement ? Notre sympathie n’est-elle pas plus vive, plus tendre, pour une créature de chair et d’os comme nous, sujette à nos faiblesses, à nos passions, à nos maux, à nos douleurs, qu’à une créature quasi-divine, qui semble ne pas appartenir à l’humanité ?

Je vais donc tenter de vous montrer Jeanne Darc au point de vue vrai, naturel, espérant dégager cette immortelle figure des limbes merveilleux où l’on est accoutumé de la voir…

Mon travail a été singulièrement facilité, grâce à un trésor de matériaux réuni par un homme dont la science égale le patriotisme : M. Jules Quicherat. Il a publié dernièrement, sous les auspices de la Société de l’Histoire de France, cinq volumes renfermant tout ce que les chroniqueurs français ou étrangers plus ou moins contemporains de la Pucelle d’Orléans ont écrit sur elle ; puis la minute authentique de son procès, contenant son interrogatoire et ses réponses.

Afin de vous donner, chers lecteurs, une idée sommaire de l’abondance, de la richesse des documents réunis dans l’excellent ouvrage de M. Jules Quicherat, véritable Monographie de Jeanne Darc, je vous citerai les titres des chroniques et des pièces réunies par lui :

chroniqueurs français

Perceval de Cagny, — le Chroniqueur alençonnais, — le Héraut

  1. D’après M. Jules Quicherat, dont l’autorité est incontestable en cette matière, le nom patronymique de la Pucelle doit s’écrire Darc, et non D’Arc (avec une apostrophe).
  2. Nous exprimons ici notre désir de voir reproduire par la gravure, pour les Mystères du Peuple, cette statuette, qui, à notre avis, doit consacrer le type de Jeanne Darc.