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à La Chapelle Saint-Denis et au pont de Saint-Cloud. Le duc d’Orléans propose alors à Henri, roi d’Angleterre, de s’unir à lui pour démembrer la France ; mais Charles VI, retrouvant une lueur de raison et apprenant le commerce adultère de sa femme Isabeau de Bavière et du duc de Bourgogne, s’allie contre lui avec le duc d’Orléans et les Armagnacs. De nouvelles luttes s’engagent, ensuite desquelles le Bourguignon se soumet au roi ; la paix d’Arras, signée en 1412, met pendant quelques mois à peine un terme aux désastres de la guerre civile.

Les nouveaux chefs du parti populaire à Paris, après s’être longuement concertés, organisés, certains de l’appui secret du duc de Bourgogne, qui voulait ressaisir le pouvoir, donnent le signal de l’insurrection ; le 29 avril 1413, les frères Legoix, Tibert, Saint-Yon, Caboche, et plus de vingt mille hommes du peuple, se dirigent vers la Bastille, forteresse récemment élevée par Charles VI afin d’assurer la tyrannie royale et de comprimer les mouvements populaires. La foule assiégeait cette citadelle, renfermant une grande quantité d’armes, et allait la détruire (I), lorsque le duc de Bourgogne accourt, supplie les insurgés de venir hardiment exposer leurs griefs au dauphin, duc de Guyenne, leur affirmant que ce jeune prince cèdera devant une intimidation salutaire. Le peuple se porte en masse à l’hôtel de Saint-Pol, sommant à grands cris le dauphin de paraître. Il paraît en effet, pâle, tremblant, à une fenêtre de son palais, amené par le duc de Bourgogne (ainsi qu’autrefois parut au balcon du Louvre le dauphin, duc de Normandie, plus tard Charles V, amené par Marcel).

— Mes amis, — s’écrie le duc de Guyenne éperdu de frayeur à l’aspect de la foule menaçante, — je suis prêt à vous entendre et à exécuter ce que vous me conseillerez.

Le peuple, tout d’une voix, acclame Jean de Troyes comme son représentant, et l’invite à signifier au dauphin d’avoir à accomplir la réforme des abus déjà obtenue au temps de Marcel et des Maillotins. Jean de Troyes entre au palais et dit sévèrement au duc de Guyenne :

— « Le peuple de Paris vous sait entouré de conseillers perfides ;