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que de voir sa fille qu’il adorait déshonorée par le sire de Nointel. Le jour de ses fiançailles, Mazurec se rend au château pour porter le prix de sa rédimation au bailli. Celui-ci était, par malheur, absent. Le fiancé revint chez Aveline, et son père décide qu’ils se marieront le lendemain matin et qu’aussitôt après la messe, Mazurec retournera au château pour racheter sa femme du droit de prémices. Le mariage a lieu, et, selon la coutume, l’épousée reste enfermée chez le curé jusqu’à ce que l’époux ait apporté sa lettre de rédimation.

— Oui, — reprit amèrement Mahiet.

— Aussi, pour échapper à la honte, lorsqu’elle la redoute, souvent la fiancée se livre à son promis avant le mariage.

— Cela n’est que trop vrai, et souvent aussi les hommes abandonnent ensuite la pauvre fille et ne l’épousent pas. Mais ni Aveline, ni Mazurec n’avaient de ces mauvaises pensées ; possédant de quoi se racheter, ils ne demandaient qu’à se racheter honnêtement. La messe dite, Mazurec retourne au château, portant son argent dans une pochette suspendue à sa ceinture. Il rencontre un chevalier qui lui demande la route de Nointel, et, le croiriez-vous, messire ? pendant que Mazurec lui enseigne son chemin, ce misérable chevalier se baisse sur sa selle comme pour rajuster la courroie de son étrier, puis soudain il arrache la pochette du pauvre Mazurec, pique des deux et se sauve au galop.

— Il y a cent exemples de ces voleries qui semblent de plaisants tours à maints chevaliers ; mais, mort-dieu ! celle-là entre toutes est infâme !

— Mazurec, désespéré, court en vain sur les traces de son larron ; il le perd de vue, et, au bout d’une heure, haletant de fatigue, il arrive au château, se jette aux genoux du bailli, lui raconte son malheur en pleurant et demande justice contre le voleur. Le sire de Nointel, arrivé depuis le matin de Paris dans son manoir avec plusieurs de ses amis, traversait la salle au moment où Mazurec implorait le bailli. Le seigneur, apprenant de quoi il s’agit, demande en riant si la mariée