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Meaux, lors de ces soulèvements ; il rassemble des troupes considérables et marche d’abord sur Rouen ; le tumulte de cette ville s’était apaisé après l’expulsion des collecteurs des taxes, les Rouennais ouvrent sans crainte leurs portes au duc d’Anjou ; mais ce beau duc, afin d’inspirer à son pupille Charles VI le goût des supplices, fait pendre sous les yeux du royal adolescent, neuf échevins désignés comme chefs de la sédition, désarme la ville, y laisse une garnison de soldats mercenaires, rétablit les impôts, et, à la tête d’une grosse armée, s’avance vers Paris. Les habitants de cette cité s’étaient, comme ceux de Rouen, calmés après avoir chassé les collecteurs d’une taxe inique ; ainsi que les Rouennais, ils ouvrent sans défiance leurs portes à leur jeune sire Charles VI. Le prévôt des marchands, accompagné de douze échevins, se rend à la rencontre de ce tyranneau ; mais, conseillé par le duc d’Anjou, il refuse de recevoir les magistrats populaires, et, suivi des princes ses oncles, il entre à cheval dans Paris, à la tête de ses gens d’armes, la lance haute, comme s’il fût entré dans une place conquise. Les principaux Maillotins sont surpris et arrêtés chez eux pendant la nuit. Tout concert entre les chefs populaires devient impossible ; le peuple, terrifié, défaille encore une fois, reste inerte ; bientôt commencent les cruautés d’une réaction impitoyable : un orfévre et un drapier sont d’abord pendus publiquement par ordre du roitelet de quatorze ans, qui, depuis les exécutions de Rouen, prend goût au sang et au gibet. La femme de l’orfévre allait mettre un enfant au jour ; elle se jette de désespoir par une fenêtre et se tue sur le coup. Trois cents marchands des plus riches, des plus notables de Paris, sont traînés en prison ; après quoi on les fait venir un à un dans la chambre du conseil, et là, sous menace de mort, les délégués royaux taxent les prisonniers ; ceux-ci à six mille livres, d’autres à trois mille, qui plus, qui moins, selon la richesse de chacun. Charles VI et le duc d’Anjou, grâce à cet abominable guet-apens, emboursent en un seul jour quatre cent mille écus. Quant aux pauvres gens incapables de racheter leur vie à prix d’or,