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duc d’Anjou d’abolir les nouvelles taxes. Ce beau duc demande jusqu’au lendemain pour réfléchir aux sommations ; le répit lui est accordé ; mais à l’heure dite, le peuple revient en force plus menaçant que la veille. Cette fois encore est justifié ce précepte, écrit à chaque page de notre histoire : « L’on n’obtient rien des rois par les suppliques, on obtient tout par la menace ou par l’insurrection ». En effet, le chancelier lit à la multitude courroucée une ordonnance du roi en son conseil où assistaient les ducs d’Anjou, de Berry, de Bourgogne et de Bourbon, laquelle ordonnance abolissait les aides, subsides, fouages, impositions, gabelles, établis depuis Philippe-le-Bel. Réforme autrefois impérieusement exigée par Étienne Marcel, et à demi accomplie par Charles V, après son avénement au trône. Les Parisiens se retirent satisfaits ; mais, ainsi que vous l’avez vu et que vous le verrez sans doute tant de fois encore, fils de Joel, les concessions accordées, jurées par la royauté, sont bientôt éludées ou reniées par elle. L’émotion populaire calmée, l’audace revient à nos maîtres ; ils ne songent plus qu’à retirer ce qu’ils ont été forcés de céder. Aussi, le duc d’Anjou rétablit en 1382 les impôts abolis en 1380, et ordonne entre autres (le 1er mars) de lever un impôt sur les comestibles au profit du trésor royal. Les collecteurs du fisc se montrent aux halles et veulent saisir un panier de cresson que vendait une pauvre vieille femme, le populaire des halles chasse à coups de pierre les gens du fisc. Paris s’émeut, s’insurge, force l’arsenal de l’Hôtel de ville, et à défaut d’autres armes (elles avaient été sournoisement enlevées par ordre du duc d’Anjou avant la proclamation du nouvel édit), les insurgés s’emparent de maillets de plomb (antiques engins de guerre), les soldats du duc d’Anjou sont assommés à coups de maillets, et leurs vainqueurs se glorifient du nom de Maillotins. L’insurrection s’étend rapidement, Rouen, Blois, Orléans, Beauvais, Reims, imitent l’exemple des Parisiens ; l’on se révolte partout contre les derniers impôts ; nulle part les gens du fisc n’osent reparaître ; le duc d’Anjou, en compagnie du jeune roi Charles VI, se trouvant à