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— L’envie et l’orgueil qui la dévorent ont perdu Maillart, — reprit le prévôt des marchands. — La vanité de cette folle a poussé son mari au mal, à la plus insigne bassesse. Le croirait-on ? cet homme sans caractère, sans conviction, rappelle dans sa lettre au sénéchal qu’en récompense des services qu’il rend au parti de la cour, le régent lui a fait promettre des lettres de noblesse (C) ! ! ! Maillart mendiant l’anoblissement !… lui ! lui… qui me reprochait sans cesse de ne pas exterminer ceux du parti de la cour qui restaient à Paris !… lui… qui ne trouvait pas assez d’injures pour flétrir la noblesse !

— Misère de Dieu ! — s’écria Mahiet, — votre sang, maître Marcel, devait être le prix de l’anoblissement de cet infâme…

— Je l’avoue… cette trahison m’est doublement cruelle… je connais les hommes ; cependant jusqu’au dernier moment j’ai répugné à croire à l’odieuse félonie de Maillart… mon ami d’enfance… Ah ! je persiste à le croire, il ne fût jamais tombé dans une pareille abjection, sans sa faiblesse, sans l’orgueil infernal de sa femme, envieuse jusqu’à la rage de ma pauvre Marguerite, dont la modestie rougissait presque de ma popularité… Allons, il n’y a plus à hésiter… la réaction du parti de la cour serait impitoyable… Notre seule chance de salut est dans l’appui du roi de Navarre… et dans des mesures implacables contre nos implacables ennemis… ils auront provoqué ces mesures… qu’elles retombent sur eux !

— Maître Marcel, — dit tout bas Mahiet au prévôt des marchands, — si Charles-le-Mauvais ne se trouve pas au rendez-vous cette nuit ?

— En ce cas, je te l’ai dit, je monte à cheval et je vais livrer au régent ma tête et celle des gouverneurs… notre sang assouvira la soif de vengeance de ce jeune homme, il épargnera Paris…

Un grand tumulte, d’abord lointain, puis de plus en plus rapproché, se fit entendre dans la rue ; bientôt éclatèrent des cris nombreux de : Noël à Marcel ! À bonne fin ! à bonne fin ! Noël à Marcel ! Presque aussitôt Marguerite entra dans le cabinet de son mari, lui disant :