Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/266

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la rue Où-l’on-cuit-les-oies ; je me glisse à travers la foule, j’arrive au premier rang, et j’avise certain gros coquin à chaperon fourré déjà noté par moi comme forcené partisan de Maillart. Ledit gros coquin pérorait contre maître Marcel, lui attribuant tous les maux dont on souffre, et s’écriant : « Il faut en finir avec la tyrannie des gouverneurs, l’armée du régent est réunie à Charenton, afin de marcher contre nous ; le régent est furieux, il veut mettre sa bonne ville de Paris à feu et à sang ; Maillart, véritable ami du peuple, est seul capable de résister au régent ou de traiter avec lui et de sauver ainsi la cité des maux qui la menacent… »

— Toujours ce Maillart ! !

— Ce langage m’exaspère… je te le jure, aussi vrai que la délectable, la divine Alison me…

— Rufin… Rufin !

— Par Jupiter ! ce doux nom d’Alison me monte involontairement à chaque instant du cœur aux lèvres. J’étais donc prêt à éclater et confondre l’homme au chaperon fourré, dont le langage, je l’avoue, produisait assez d’impression sur la foule. Quelques-uns même commençaient de vitupérer fort contre maître Marcel et les gouverneurs, lorsque j’entends dire derrière moi en latin : — L’eau commence à bouillir, il ne faut pas tarder à jeter le poisson. — Une autre voix ajouta aussi en latin : — Et pour ce faire, hâtons-nous d’aller prévenir le maître cuisinier. — Cherchant à pénétrer le sens mystérieux de cette parabole, je me retournais vers mes hableurs de latin, lorsqu’ils s’écrient et en français cette fois : — « Noël, Noël pour Maillart, au diable Marcel ! c’est un scélérat ! un traître ! il complote avec les Navarrais ! Noël pour Maillart ! seul il peut mettre fin à nos maux ! » Une partie de la foule répète ces cris : le gros coquin à chaperon fourré clôt sa péroraison, descend du montoir où il était perché. Les deux hableurs de latin se rapprochent de lui, et pendant que le rassemblement se disperse, mes trois compères s’éloignent en s’entretenant avec animation ; je ne les perdais pas de vue, je les suis