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Charenton, je lui offre ma vie, si elle ne lui suffit pas, celle de nos amis ; j’ai leur parole là-dessus ; je demande en retour au prince de maintenir les réformes qu’il a jurées en 1357 et de se montrer clément envers Paris, qui lui rouvre ses portes. Je demanderai beaucoup afin d’obtenir quelque chose… Quoi qu’il en soit, j’obtiendrai, j’en suis certain, plusieurs concessions en m’adressant, non pas au cœur de ce jeune homme, il n’a point de cœur ; mais en lui faisant comprendre son véritable intérêt, et il le comprendra ; les autres réformes viendront plus tard. Oui, je te le répète, nıon ami, c’est ma ferme conviction, notre plan de gouvernement, basé sur la fédération des provinces et la permanence d’Assemblées nationales souveraines et déléguant d’abord un simulacre de couronne à un simulacre de roi, et plus tard supprimant cette vaine idole, la Royauté, redeviendra le gouvernement des Gaules libres et confédérées, tel qu’il l’était avant les conquêtes de César, ainsi que nous l’apprend l’histoire et ainsi que je l’ai lu dans les légendes de ta famille.

— Oh ! maître Marcel, lors de l’abolition de la commune de Laon et de tant d’autres républiques municipales détruites par Louis-le-Gros, qui fit périr leurs chefs dans les supplices, mon aïeul Fergan-le-Carrier disait à son fils, qui désespérait de l’avenir, ce que vous me dites à cette heure : « Espère, mon enfant, espère… aie foi dans le progrès lent, laborieux, mais irrésistible, des choses !… » Mon aïeul disait vrai !… Oui, grâce à votre génie, j’aurai vu en ce siècle-ci le gouvernement municipal des anciennes communes, gouvernement libre, paternel et sage, appliqué non plus seulement à une cité, mais à la Gaule entière.

— Tel était mon rêve ! L’unité sociale et l’uniformité administrative. Les droits politiques étendus à l’égal des droits civils. Le principe de l’autorité transféré de la couronne à la nation. Les États-généraux changés en assemblées nationales sous l’influence du peuple et de la bourgeoisie, seules forces vives de la nation, et la souveraineté populaire attestée par le renversement d’une dynastie et la délégation