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Marcel lut la lettre à voix basse, et au milieu d’un profond silence ; Marguerite, sa nièce et Alison observaient attentivement la physionomie du prévôt des marchands ; il resta calme, il sourit même aux passages semés des fleurettes mythologiques de l’écolier ; puis, rendant la lettre à Alison, il lui dit affectueusement :

— Je vous remercie de votre empressement, dame Alison ; mais notre ami Rufin s’alarme, je crois, à tort.

— Pourtant, mon ami, ce complot dont parle l’écolier ? — répondit vivement Marguerite, — ce complot dont il suit la trace ?…

— Rufin se sera sans doute exagéré l’importance d’un fait insignifiant, chère Marguerite…

— Mais… ce qu’il dit de Maillart ?

— Maillart ! hier soir il m’a serré amicalement la main en sortant de l’Hôtel de ville, après une discussion dans laquelle il était d’un avis opposé au mien…

« — Les opinions sont diverses, mais les liens d’une vieille amitié sont impérissables, » a même ajouté maître Maillart, — reprit Mahiet. — Ces paroles, je les ai entendues…

— Marcel, — reprit Marguerite ressentant une défiance croissante contre l’échevin depuis les avertissements de l’écolier, — la femme de Maillart est venue ce soir… me proposer pour toi un refuge en cas de danger…

— Cette offre généreuse ne m’étonne pas.

— Un homme doit se rendre ici cette nuit ; tu le suivras seul… et bien encapé, — ajouta Marguerite. — Seul… entends-tu, Marcel ? et il te conduira en un lieu sûr d’où tu pourras fuir sans péril.

— C’est trop d’obligeance, — répondit en souriant le prévôt des marchands. — Grand merci de la proposition, je ne songe point à fuir, tant s’en faut… Jamais nous n’avons été si proches du triomphe.

— Que dis-tu ?… — s’écria Marguerite renaissant à l’espérance, tant elle avait besoin d’espérer. — Il serait vrai ? cependant cette agitation… ce tumulte dans Paris… ces bruits alarmants ?… — Et,