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Les bourreaux, occupés des apprêts du supplice, laissent dire les trois paysans, dont les paroles ne peuvent avoir d’écho sur cette place déserte ; mais lorsque le trépied de fer qu’ils faisaient rougir sur les charbons ardents est chauffé à blanc, l’un des tourmenteurs s’écrie :

— C’est prêt.

Aussitôt les archers, enchaînant les trois jacques sur la plate-forme de l’échafaud, les livrent aux bourreaux. Guillaume Caillet est assis garrotté sur la sellette placée au bas du poteau dressé entre les deux billots surmontés d’un pieu aigu ; Mazurec et Adam, les mains liées derrière le dos, dépouillés de leurs vêtements, sauf leurs braies, sont conduits vers ces billots. Un bourreau arrache le bonnet de laine qui couvre les cheveux gris de Guillaume Caillet, tandis que l’un des autres tourmenteurs, saisissant avec des tenailles le petit trépied chauffé à blanc et les pieds renversés en l’air, emboîte dans le cercle de fer brûlant le crâne du vieux paysan et lui dit :

— Je te couronne, roi des Jacques !…

Guillaume Caillet pousse des rugissements de douleur atroce ; ses cheveux flambent, la peau de son front grésille, saigne, se fend sous la pression du trépied de fer incandescent. Les haches des autres bourreaux se lèvent sur Adam et sur Mazurec agenouillés devant les billots.

— Mon frère !… — s’écrie Mahiet-l’Avocat d’armes parvenant à vaincre cette oppression qui suffoquait et étouffait sa voix comme au milieu d’un rêve horrible, — mon frère !…

À cet appel déchirant, Mazurec relève et tourne vivement la tête vers la fenêtre d’où est parti le cri… mais au même instant l’éclair de la hache des bourreaux, qui s’abaisse et frappe, luit aux yeux de Mahiet, le corps de son frère s’affaisse… sa tête roule sur la plateforme de l’échafaud qu’elle arrose de nombreux jets de sang.

L’Avocat d’armes est saisi de vertige, le cœur lui manque, il chancelle et tombe privé de connaissance.