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il éclairera les peuples tentés de chercher un appui dans les princes pour combattre un ennemi commun !

— Tu es un oison ! tu calomnies le bon sens de Marcel, de qui, mieux que toi, j’apprécie la sagesse politique ; Oh ! oh ! c’est un maître homme que ce marchand drapier ! Sais-tu ce qu’il te répondra lorsque, de retour à Paris, tu vas, tout effaré, lui annoncer le carnage de cette Jacquerie ?

— Oh ! oui, je le sais…

— Moi aussi, je le sais. Or, donc, il répondra ceci : « — Bourgeoisie et Jacquerie était mon armée à moi, Marcel ; j’espérais la discipliner et pouvoir dire au roi de Navarre : Mon armée est supérieure à la vôtre, acceptez mes conditions, marchons ensemble contre le régent, je vous promets sa couronne, si vous consentez à subir la loi absolue des Assemblées nationales ; sinon, non. Alliez-vous au régent contre nous, peu m’importe ; les bourgeoisies tiennent les villes, les paysans la campagne ; je ne vous crains pas. Mais voici que la Jacquerie, le gros de mon armée, est anéantie, — ajoutera judicieusement Marcel ; — le désastre est irréparable. Il me reste deux partis à prendre : faire ma soumission au régent, lui livrer ma tête et celle de mes amis, ou bien servir les projets du roi de Navarre, qui possède une armée capable de résister aux troupes royales. Donc, au lieu d’imposer des conditions au roi de Navarre, je suis forcé de subir les siennes. » — Voilà ce que, dans son bon sens, te dira Marcel.

— Lui ! trahir la cause à laquelle il a voué sa vie ?

— Quoi ! trahir ? Il assure au contraire l’exécution d’une partie de ses desseins. Me crois-tu donc assez sot pour ignorer que, forcément… (Marcel me l’a dit, et il disait vrai), que, forcément, si je monte au trône, je devrai accomplir la plupart des réformes que cet enragé redresseur d’abus poursuit depuis tant d’années avec acharnement ? Est-ce que, tôt ou tard, les bourgeoisies ne se rebelleraient pas contre moi, comme elles se sont rebellées contre le régent, si je