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nant, messire ambassadeur, dis de ma part à Marcel de ne plus mêler les Jacques à nos opérations : d’abord, il reste peu ou prou de ces bêtes féroces ; puis, c’est un méchant compagnonnage. Tout à l’heure tu seras délivré de tes liens, ton cheval te sera rendu. Si, doutant de mes paroles, tu veux t’assurer de la réalité de cette boucherie, avant de retourner à Paris, rends-toi au vallon que je te dis, regarde, et surtout bouche-toi le nez… car la charogne de cette Jacquerie commence à puer très-fort !

Mahiet, oubliant ses liens, fait un nouveau mouvement afin de s’élancer sur Charles-le-Mauvais ; celui-ci reprend en riant :

— Ingrat !… tu voudrais m’étrangler… Vois cependant ma générosité : j’ai épargné la vie des trois chefs de cette bande de loups enragés… Tu en doutes ? — ajoute le roi de Navarre, répondant à un soupir douloureux de Mahiet, qui songeait à son frère. — Pourquoi ne pas me croire ? Qui m’empêche de te dire la vérité ? Qu’ai-je à craindre de toi ?…

— Il serait vrai ? — s’écrie l’Avocat d’armes, cédant à une vague espérance ; — mon frère aurait échappé au massacre ?

— Oui. Et si au lieu de mugir comme un taureau entravé, tu parles paisiblement, honnêtement, ainsi que doit parler un envoyé bien appris, je te donne ma foi de chevalier que, tout à l’heure, tu verras ton frère.

— Mazurec vit… je le verrai !…

— Il vit… et tu le verras ; foi de chevalier, je te le répète. Mais, de par Dieu ! causons raisonnablement ; il nous faut maintenant aviser aux moyens à prendre, afin que Marcel et moi nous puissions agir de concert.

— Marcel !… — s’écrie Mahiet, — Marcel agir de concert avec toi, lâche bourreau de tant de victimes ! Marcel s’allier désormais avec toi, qui m’as dit que tout vassal rebelle méritait la mort !… Ah ! cette funeste alliance, contractée sous l’impérieuse nécessité des circonstances, est à jamais rompue ! C’est un terrible enseignement ;