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casaque de toile ; sa cotte de mailles, rapiécée à neuf en maints endroits, tombait jusqu’à la moitié de ses cuissards de fer, comme ses jambards, cachés sous ses grosses bottes de voyage ; son baudrier supportait une longue épée ; son ceinturon, un poignard très-aigu appelé miséricorde ; sa masse d’armes, composée d’un gros bâton long comme le bras et terminé par trois chaînettes de fer rivées à un boulet du poids de sept à huit livres, pendait aux arçons de ce cavalier, ainsi que son bouclier garni de clous et de lames de fer ; trois bois de lances de rechange, liés ensemble et dont l’extrémité reposait dans une sorte de poche de cuir ajustée à la courroie de l’un des étriers, se maintenaient droits le long du quartier de la selle derrière laquelle était attachée une valise de basane. Le cheval, grand et vigoureux, avait la tête, le cou, le poitrail et une partie de la croupe couverts d’un caparaçon de fer, pesante armure que le robuste animal portait aussi facilement que son maître-portait la sienne. Alison-la Vengroigneuse, accompagnée de sa servante, accourant aux cris redoublés du voyageur, lui dit d’un ton aigre-doux : — Me voici, messire. Hum ! si vous êtes un jour canonisé, ce ne sera point, je le crains fort, sous l’invocation de Saint-Patient !

— Ventre du pape, ma belle hôtesse ! jamais trop tôt l’on ne saurait voir vos gentils yeux noirs et vos joues vermeilles ; aussi vrai que votre jarretière pourrait vous servir de ceinture, la plus jolie meschinette de Paris, d’où je viens, ne saurait vous être comparée.

— Vous venez de Paris ? messire chevalier, — dit vivement Alison, à la fois flattée des compliments du voyageur et fière de posséder un hôte venant de Paris, la grand’ville ; — quoi… vous venez de Paris ?

— Sans débrider. Mais dites-moi, j’ai été, n’est-ce pas, bien renseigné ? Il y a ici aujourd’hui dans le val de Nointel un pardon d’armes ?

— Oui, messire, le tournoi doit commencer tantôt après la messe.

— Alors, belle hôtesse, pendant que je conduirai mon cheval à l’écurie pour lui donner une bonne provende, vous me préparerez