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lon l’usage, quitté leurs armures et leurs armes pour vêtir leurs habits de gala, saisissent des couteaux de table, des hanaps d’argent ou des escabeaux, afin de se défendre ; les joyeuses fumées du vin se dissipent soudain, et ils se rangent en tumulte devant les femmes afin de les protéger.

Guillaume Caillet lève sa hache par trois fois ; à ce signal les clameurs tumultueuses des Jacques cessent peu à peu, et bientôt leur succède un grand silence, seulement troublé par les exclamations d’effroi et les gémissements des femmes épouvantées.

— Mes Jacques ! — s’écrie Guillaume Caillet, — vous avez apporté des cordes, garrottez d’abord tous ces nobles hommes, tuez ceux qui résistent, mais épargnez à tout prix le père et l’époux de la mariée… épargnez aussi le chevalier de Chaumontel.

— Je me charge de ces trois-là, je les connais, — dit Adam-le-Diable. — À moi mes Anglais !

Les vassaux s’élancent sur les seigneurs au nombre d’une trentaine ; quelques-uns opposent aux Jacques une résistance désespérée. Ils sont tués ; mais la plupart de ces chevaliers, démoralisés, atterrés par cette brusque attaque, se laissent garrotter, et parmi ceux-là, le vieux seigneur de Chivry, Gérard de Chaumontel et Conrad de Nointel, que l’on arrache des bras de la belle Gloriande. Celle-ci, plus furieuse encore qu’effrayée, s’emporte en imprécations, en injures contre ces manants révoltés ; Adam-le-Diable s’empare d’elle, la maîtrise et lui attache les mains derrière le dos, en lui disant avec un ricanement farouche :

— Ah ! ah ! chacun son tour, ma noble damoiselle… L’an passé, tu as ri de nous au tournoi de Nointel ; à cette heure… nous allons rire de toi.

— Ce prisonnier anglais me connaît ! — s’écria Gloriande. — Est-ce un rêve horrible que tout ceci ?

— Je suis vassal de la seigneurie de Nointel et non point Anglais, ma belle, — répondit Adam-le-Diable. — Ce rôle de captifs nous a