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vert de lauriers, prisonnier des Anglais, sur parole, il est vrai ; mais en ce moment ses vassaux boursillent sa rançon ; il est aimé de votre fille, il l’adore ; votre château bien approvisionné, bien fortifié, défendu par une vaillante garnison, n’a rien à redouter des Anglais et des routiers ; Jacques Bonhomme, encore tout meurtri de la leçon qu’il a reçue l’an passé au tournoi de Nointel, n’ose lever le nez de dessus les sillons qu’il laboure pour vous : donc, messire, vivez en paix et en joie !

— Mon père, — vint dire au comte de Chivry la belle Gloriande avec empressement, — voici le second coup de cloche pour la messe… partons… partons !

— Allons, je te suis, chère impatiente, — dit le vieux seigneur en souriant à sa fille. — Donne la main à Conrad et allons à l’autel.

— Ah, mon père ! quel est mon bonheur ! savez-vous que Conrad a parlé de moi au régent, notre sire ? Ce jeune et gracieux prince désire me voir à la cour… Nous partirons avant huit jours pour Paris… D’ici là, j’aurai le temps de faire faire trois robes : l’une de brocart d’or… l’autre de…

— Tu te feras faire dix robes, vingt robes, si tu le veux, et des plus riches ! — dit le comte avec une expansion de tendresse paternelle, on pinçant les joues de sa fille. — Rien de trop beau pour Gloriande de Chivry, lorsqu’elle paraîtra à la cour ! Il est bon de prouver à ces rois qui prétendent primer la seigneurie, qu’autant qu’eux autres nous sommes grands seigneurs ; l’argent ne te manquera pas : mes baillis ont mes ordres ; dès demain ils frapperont double taxe sur mes vassaux en l’honneur de ton mariage, selon la coutume. Mais, tiens, voici un autre impatient, aie pitié de son martyre, — ajouta gaiement le comte en montrant Conrad qui s’approchait vivement, cherchant des yeux Gloriande. Le sire de Nointel prit avec amour la main de sa fiancée, le cortége se forma, et la noble assistance, suivie des pages, des écuyers, se dirigea vers la chapelle du manoir.

Les prisonniers anglais, délivrés de leurs chaînes par ordre de la damoiselle