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encore sa raison et son énergie. — Hâtons-nous ! — poursuivit la tavernière d’une voix de plus en plus oppressée ; — Aveline est morte, tâchons de sortir d’ici. J’ai trois cents florins cousus dans ma robe ; je les donnerai au bailli, il nous fera grâce, sinon, tue-le… Ta fourche est là, je la sens… sous ma main… tiens, prends-la, conduis-moi et essayons de fuir !

À ces paroles d’Alison, Mazurec pousse un cri de joie sauvage : l’imminence du danger, l’espoir de la vengeance, décuplent ses forces ; il saisit sa fourche de sa main droite, et de la gauche traînant Alison derrière lui, le vassal, guidé par la lueur rougeâtre projetée sur la pente rapide de l’issue du souterrain, manœuvre impitoyablement de sa fourche pour se frayer un passage à travers la foule éperdue, renverse les uns, passe sur le corps des autres, et arrive non loin du foyer de feu et de fumée, dont les abords sont jonchés des cadavres de plusieurs serfs déjà tombés suffoqués, brûlés en voulant franchir cette fournaise. Abandonnant alors la main d’Alison et s’avisant d’un moyen auquel personne ne songeait au milieu de la panique générale, Mazurec plonge sa fourche dans l’amoncellement de broussailles embrasées, les écarte, en jette une partie derrière lui, s’ouvre ainsi une issue, traverse intrépidement le sol couvert de débris enflammés, gravit en quelques bonds l’entrée de la caverne, respire un air pur, aperçoit le ciel, les arbres ; son énergie redouble, et d’un dernier effort il s’élance au dehors… À l’aspect inattendu de Mazurec, effrayant de rage et brandissant sa fourche, les Anglais et les gens du bailli reculent frappés de stupeur ; mais le vassal, courant sus au bailli, lui enfonce son fer dans le ventre, le renverse, s’acharne sur lui avec furie, le foule aux pieds, continue à le cribler de coups à travers le corps, à travers la figure, partout enfin où il peut l’atteindre, et disant à chaque blessure :

— Tiens, voilà pour Aveline, que tu as traînée au lit de ton seigneur !… Tiens, voilà pour Aveline, que tu as fait mourir étouffée !

À cette attaque audacieuse et imprévue, le capitaine Griffith, le