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CHAPITRE III.


Ravage des Anglais en Gaule. — Le capitaine Griffith. — Sa bande et son chapelain. — Exactions et tortures subies par les vassaux forcés de payer la rançon des seigneurs prisonniers des Anglais. — Le souterrain de la forêt de Nointel. — Le bailli. — Effroyable supplice. — Aveline-qui-jamais-n’a-menti et Mazurec-l’Agnelet. — Le capitaine Griffith et Alison. — Rufin-Brise-Pot et Mahiet-l’Avocat d’armes. — Guillaume Caillet. — La Jacquerie.




Le lendemain du jour où Guillaume Caillet, Mahiet-l’Avocat d’armes et Rufin-Brise-Pot avaient quitté Paris, une bande d’aventuriers anglais commandés par le capitaine Griffith, qui depuis quelque temps ravageait le Beauvoisis, cheminait vers le village de Cramoisy au soleil levant, par une belle matinée de mai. Ces hommes, diversement armés, au nombre de trois ou quatre cents, marchaient en désordre, sauf une cinquantaine d’archers portant à l’épaule leur arc de frêne de six pieds de long, arme familière aux Anglais et dont ils se servaient avec une telle supériorité, qu’à la bataille de Poitiers dix mille bons archers (la couardise de la noblesse aidant) suffirent à mettre en pleine déroute l’armée du roi Jean, composée de plus de quarante mille hommes.

Plusieurs charrettes vides attelées de chevaux ou de bœufs, conduites par des paysans forcés de suivre la bande de Griffith sous peine de mort, devaient servir à charroyer le butin ; ce butin, ainsi que les bestiaux qu’ils enlevaient aux laboureurs, les Anglais allaient d’ordinaire le vendre dans quelque petite ville voisine, tarifaient les prix et trouvaient toujours des acheteurs, par cette victorieuse raison que ceux qui refusaient d’acheter étaient pendus sur l’heure, le capitaine Griffith faisant montre, disait-il, d’une certaine générosité en donnant à ses clients forcés quelques dépouilles et des bestiaux en retour