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fuite du régent, a couru au Louvre, s’est assuré du fait, et a convoqué en hâte l’échevinage. Plus de doute, la trahison du régent est avérée. — Remettant alors à Mahiet la lettre qu’il venait d’écrire, Marcel ajouta : — Monte à cheval et porte ce billet au roi de Navarre à Saint-Denis ; n’attends pas la réponse, et pour cause… Ensuite, reviens ici.

— À Saint-Denis ? c’est ma route, — s’écria Guillaume Caillet. — Je monte en croupe derrière toi, Mahiet ; j’arriverai au pays quelques heures plus tôt.

— C’est dit, — reprit l’Avocat ; et s’adressant au prévôt des marchands : — Quand j’aurai remis votre lettre au roi de Navarre, maître Marcel, je poursuivrai ma route avec Guillaume pour rejoindre mon frère, le pauvre Mazurec.

— C’est ton devoir ! Va, — répondit Marcel en tendant ses bras à Mahiet. — Embrasse-moi ; qui sait si nous devons jamais nous revoir ! — Puis le prévôt des marchands, après avoir serré l’Avocat contre sa poitrine, prit la main de Denise, qui détournait la tête pour cacher ses larmes, et dit : — Quoi qu’il m’arrive, Denise sera ta femme à ton retour… tu ne saurais avoir une plus digne compagne, et elle un plus digne époux… Mets ta main dans la sienne, vous êtes fiancés… Fasse le ciel que j’assiste à votre union ! Si, plus tard, quelque danger te menace, tu trouveras un abri sûr en Lorraine, à Vaucouleurs, chez les parents de ma nièce.

Denise, fondant en larmes, presque défaillante et soutenue par Marguerite, non moins émue, tendit sa main à Mahiet, qui la couvrit de baisers, tandis que Marcel disait à Guillaume Caillet : — Maintenant, l’heure a sonné ! Aux armes, Jacques Bonhomme ! Paysans, artisans et bourgeois, tous pour chacun ! chacun pour tous ! À bonne fin la bonne cause !

— Oui, — reprit le serf en frémissant d’impatience, — à bonne fin la bonne cause ! à mauvaise fin les seigneurs ! et debout Jacques Bonhomme !