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de serfs poussés à bout par l’oppression des seigneurs ; ce que je veux enfin, c’est le salut de la Gaule, aujourd’hui épuisée, mourante ! Le sort en est jeté, le régent et les seigneurs incorrigibles veulent la guerre ! ils auront la guerre ! guerre terrible !… oh ! terrible ! telle que jamais on n’en aura vu de mémoire d’homme ! — Et le prévôt des marchands s’assit à une table et écrivit rapidement quelques lignes sur un parchemin.

— Non, — reprit Guillaume Caillet avec un frémissement de rage, — non, jamais l’on n’aura vu ce que l’on va voir… Allons, debout, Jacques Bonhomme ! — s’écria le vieux paysan avec une exaltation sauvage, — debout ! prends ta faux, hardi ! et fauche-moi seigneurs et seigneuries ! Fais la moisson, Jacques Bonhomme, et fais-la rude ! ta sueur et le sang de tes pères l’ont arrosée depuis bien des siècles !… Va, fauche à plein bras ! fauche court et dru ; que pas un brin ne reste à glaner après toi !… — Et tendant à Marcel sa main tremblante, le serf ajouta : — Adieu, je pars content ; ce matin j’ai déjà tué un de ces loups. Demain soir je serai au pays ; et à l’aube, Jacques Bonhomme sera debout en Beauvoisis, en Picardie, en Laonnais !

— Suspends ton départ pendant une heure seulement, — répondit le prévôt des marchands en scellant la lettre qu’il venait d’écrire ; — je vais au Louvre ; et à mon retour tu partiras.

— Mon ami, — dit Marguerite avec angoisse, — que vas-tu faire au Louvre ?

— M’assurer du départ du régent, quoiqu’à ce sujet le récit de Rufin ne me laisse presque aucun doute. Je veux, avant de recourir à de terribles extrémités, être certain de la trahison du régent.

Marcel parlait ainsi lorsque sa servante, Agnès-la-Béguine, entra précipitamment et lui remit une lettre que l’un des sergents de la ville venait d’apporter en hâte. Marcel prit cette lettre, la lut rapidement et s’écria : — Les échevins sont assemblés à l’Hôtel de ville et m’attendent. L’un d’eux, instruit par un des gens du palais de la