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Marcel n’avait pas encore reparu chez lui, quoique la soirée fût assez avancée ; Marguerite, Denise et Guillaume Caillet étaient rassemblés dans l’une des chambres hautes de la maison ; les deux femmes écoutaient avec un intérêt croissant et douloureux le récit de Mahiet qui venait de leur raconter l’histoire d’Aveline-qui-jamais-n’a-menti et de Mazurec-l’Agnelet.

— Délivré des prisons du château de Beaumont, grâce à la bizarre générosité de ce bandit de capitaine Griffith, — disait l’avocat, — je me rendis en hâte à Paris, et à mon arrivée, — ajouta le jeune homme sans pouvoir retenir ses larmes, — j’appris la mort de mon pauvre père.

— Ah ! du moins il vous a aimé jusqu’à la fin, — dit Denise partageant l’émotion de Mahiet ; — presque chaque jour votre père venait ici, et nous ne parlions que de vous !

— Oui, que cette pensée vous console, Mahiet, — reprit Marguerite, — votre père vous regardait comme le meilleur des fils !

— Ah ! je le sais, dame Marguerite, et, vous l’avez dit, cette pensée sera du moins une des consolations de mes chagrins ; avant sa mort il m’a donné une preuve d’attachement qui me prouve la confiance qu’il avait dans mon respect et ma tendresse ; sans cela il ne m’eût pas fait un aveu toujours pénible pour un père.

— Quel aveu ? — demanda Marguerite.

— Je vous ai fait connaître le profond intérêt que m’inspirait Mazurec, l’époux de la fille de Guillaume, — répondit Mahiet avec émotion ; — eh bien ! d’après les dernières révélations de mon père, je ne peux plus en douter ; Mazurec est mon frère !

— Vous en êtes certain ? — s’écrièrent à la fois Marguerite et Denise. — Cet infortuné serait votre frère ?

— Est-ce possible ? — dit à son tour Guillaume Caillet non moins surpris, — et comment le savez-vous ?

— Lorsque je perdis ma mère, — reprit Mahiet, — j’étais enfant et mon père fort jeune. Un jour, quatre ou cinq ans après son veu-