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père, et jamais je ne mettrai les pieds dans les lointains domaines qui sont régis par mes baillis.

— J’espère que tu tiendras ta promesse, car l’illustre antiquité de ta race me rend plus jaloux encore de te conserver à ma cour.

— Sire, j’y reviendrai pour un double motif, car voir la cour est le plus grand désir de la damoiselle de Chivry, ma fiancée ; c’est pour aller l’épouser que j’ai hâte de quitter Paris ; puis aussi pour recueillir l’argent nécessaire à notre rançon.

— Quoi ! vous avez été tous deux prisonniers des Anglais ?

— Oui, sire, — reprit le chevalier de Chaumontel ; — mais comme je ne possède que mon casque et mon épée, Conrad, en loyal frère d’armes, se charge de payer pour moi…

— Les Anglais vous ont donc laissés libres sur parole ?

— Oui, sire, — répondit Conrad de Nointel, — j’ai été pris par les hommes du duc de Norfolk ; il a mis notre rançon au prix de six mille florins. « Soit, duc, — lui ai-je dit ; — mais, si tu me gardes ici, jamais mon bailli ne pourra obtenir de mes vassaux une somme si considérable ; pour l’arracher à ces vilains, il faut la main vigoureuse de leur seigneur. Laisse-moi donc retourner dans mes domaines, et je te jure ma foi de catholique et de chevalier que je te rapporterai les six mille florins de ma rançon. »

— Et l’Anglais a accepté ?

— Sans hésitation, sire, et apprenant que ma seigneurie était située dans le Beauvoisis, il m’a dit : — « J’ai un certain bâtard, nommé le capitaine Griffith, qui bat depuis longtemps les environs du Beauvoisis avec sa bande. »

— Il est vrai, — dit l’un des courtisans ; — mais heureusement les châteaux fortifiés des seigneurs sont à l’abri des ravages de ce chef d’aventuriers ; car il met, depuis deux mois, le pays plat à feu et à sang ! On dit que c’est lamentable !

— Eh bien ! — reprit le régent avec un sourire cruel, — que les bourgeois, qui prétendent gouverner à notre place, fassent cesser ces