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si je ne réussis point dans ma dernière tentative sur le régent, j’ai recours à vous. L’on vous nommera d’abord capitaine général de Paris… ce sera votre premier pas vers le trône… ensuite nous aviserons à conduire la chose à bonne fin, selon notre devise.

— Mes premières paroles, en entrant chez toi, ont été : — Marcel, je veux être roi des Français. J’avais mon projet ; j’y renonce pour me ranger au tien, — dit Charles-le-Mauvais en reprenant sa chape. — Tu es un de ces hommes inflexibles que l’on ne convainc pas plus que l’on ne les corrompt. Je ne chercherai pas à te faire revenir de tes préventions contre moi, ou à acheter ton alliance. Si dangereuse qu’elle puisse être pour moi, je l’accepte telle que tu me l’offres ; je retourne à Saint-Denis attendre l’événement ; dans le cas où ma présence serait nécessaire à Paris, écris-moi et j’arrive. Je te demande un secret absolu sur notre entrevue.

— Ce secret… nos intérêts communs l’exigent.

— Adieu, Marcel.

— Adieu, sire.

Et le roi de Navarre, s’encapant jusqu’aux yeux, quitta le prévôt des marchands. Celui-ci le suivit du regard et se dit après le départ de Charles-le-Mauvais : — Nécessité fatale ! concourir à l’élévation de cet homme ! et pourtant il le faut ! Ce changement de dynastie peut m’aider à sauver la Gaule, si demain le régent trompe ma dernière espérance… Oui, Charles-le-Mauvais, pour usurper et conserver la couronne, entrera forcément dans cette large voie de réformes qui seules peuvent alléger le poids qui écrase le peuple des villes et surtout le peuple des champs ! Ô pauvre plèbe rustique ! si patiente dans ton martyre séculaire ! ô pauvre Jacques Bonhomme ! ainsi que t’appelle la noblesse dans son insolent et féroce orgueil, ton jour d’affranchissement approche ! Uni pour la première fois dans une cause commune avec la bourgeoisie et le peuple des cités, lorsque tu seras debout et en armes, Jacques Bonhomme, comme tes frères des villes, nous verrons si ce Charles-le-Mauvais, si mauvais qu’il