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Marcel, à la vue de la médaille, tressaillit de surprise et dit à sa femme : — Chère Marguerite, cette heure de repos sur laquelle je comptais, je n’en jouirai même pas… Laissez-moi seul ; descends avec Denise. Mahiet ne peut tarder à venir ; ne m’attendez pas pour souper. — Puis, s’adressant à Agnès-la-Béguine : — Faites monter ici cet homme.

— Marcel, — reprit Marguerite avec inquiétude, tandis que la servante sortait pour accomplir les ordres de son maître, — tu es harassé de fatigue, et tu n’auras pas même le temps de prendre ton repas ?

— Tout à l’heure, en descendant, je mangerai à la hâte quelque chose avant de sortir.

— Quoi ! mon ami, encore une nuit de veillée !

— J’ai convoqué une réunion nocturne au couvent des Cordeliers. Ah ! Marguerite ! — ajouta Marcel, dont les traits s’assombrirent, — l’enterrement de Perrin Macé sera peut-être le signal de grands événements !

Le prévôt des marchands s’interrompit à la vue de l’homme encapé qu’Agnès venait d’introduire. Marguerite sortit d’autant plus alarmée que les paroles inachevées de son mari réveillaient en elle le souvenir de son dernier entretien avec Pétronille Maillart. Après le départ des deux femmes, l’étranger, s’assurant que la porte était close, se débarrassa de sa chape et la jeta sur un meuble. Cet homme, d’une très-petite stature, âgé de vingt-cinq ans au plus et simplement vêtu d’un pourpoint de buffle, avait des traits fins et réguliers ; mais, malgré la grâce de sa figure, l’affabilité de ses manières et la douceur presque caressante de sa voix, quelque chose de sardonique dans son sourire et d’insidieux dans son regard trahissait la méchanceté de son âme et la dangereuse perversité de son esprit. Marcel, de plus en plus soucieux, semblait accepter la visite de l’étranger comme l’une de ces nécessités pénibles que subissent souvent les hommes mêlés aux grandes affaires publiques ; mais son attitude gla-