Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Marguerite s’exprimait avec une si évidente sincérité en parlant de son goût pour la retraite et l’obscurité que dame Pétronille, furieuse de n’avoir pu blesser cruellement la femme qu’elle enviait, perdit toute mesure, et s’écria :

— Votre erreur est grande, madame ; en ces temps-ci il ne dépend pas d’un homme comme maître Marcel de s’ensevelir tranquillement dans la retraite ; non, non, quand on a été l’idole de Paris, il s’agit de conserver, ou non, la confiance du peuple. Si on la perd, on est regardé comme traître, et vous savez, madame, ce que l’on fait des traîtres ?

— Les ennemis de Marcel auraient-ils donc l’exécrable audace de vouloir le signaler comme un traître ? — s’écria dame Marguerite les larmes aux yeux ; — est-ce à sa vie que l’on en veut ?

Cet entretien fut interrompu par l’arrivée du prévôt des marchands. Quoiqu’il parût harassé de fatigue, sa figure rayonnait de joie, et dès la porte il s’écria : — Marguerite ! Denise ! bonne nouvelle ! excellente nouvelle !

À peine eut-il prononcé ces mots, que Pétronille Maillart, le saluant d’un air sec et guindé, passa rapidement devant lui et sortit sans prononcer une parole. Très-surpris de ce brusque et silencieux départ, le prévôt des marchands regarda Marguerite et Denise d’un air interrogatif ; puis, remarquant le trouble et l’inquiétude éveillés en elles par les odieuses calomnies de dame Pétronille, il dit : — Marguerite, qu’as-tu ? Pourquoi la femme de notre ami nous quitte-t-elle d’une façon si étrange ?

— Ah ! mon oncle, — dit la jeune fille les larmes aux yeux, — il y a des gens cruellement méchants !…

— Il faut les plaindre, mon enfant ; mais tu ne parles pas, je l’espère, de méchantes gens à propos de la femme de Maillart ?

— Mon ami, — reprit Marguerite avec embarras, — il faut, je le sais, mépriser les sots propos ; cependant, la sottise, en ces temps-ci, peut avoir des résultats si graves, que…