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— Mais vous êtes toujours la bienvenue dans notre logis, dame Pétronille !…

— Pas en ce moment, je le crains.

— Pourquoi cela ?

— C’est que le chagrin aime la solitude, ma voisine ; et je m’aperçois avec douleur que vos yeux et ceux de votre chère nièce sont encore rouges de larmes. Juste ciel ! est-ce que vous auriez quelques craintes pour notre excellent ami Marcel ? est-ce que l’on aurait l’ingratitude de méconnaître les services qu’il a rendus à Paris ? est-ce que la popularité commencerait à l’abandonner ? est-ce que ?…

— Rassurez-vous, madame, — reprit Marguerite en interrompant Pétronille ; — Dieu merci, je n’éprouve aucune crainte au sujet de mon mari. Denise et moi nous sommes en effet fort attristées ; car, peu d’instants avant votre arrivée, nous parlions de l’un de nos amis dont le sort nous cause de cruelles inquiétudes. Vous l’avez souvent vu ici ; c’est Mahiet-l’Avocat.

— Certainement, je me le rappelle fort bien ; c’était un véritable Hercule… Ainsi donc le pauvre garçon est trépassé ? C’est vraiment dommage !

— Non, non… nous ne voulons pas croire à un pareil malheur ; mais depuis longtemps nous n’avons reçu aucune nouvelle de Mahiet, et cela nous chagrine beaucoup.

— Rien de plus naturel, dame Marguerite ; et je m’explique alors votre tristesse. Maintenant, j’arrive au but de ma visite, qui, vu l’heure avancée, doit vous surprendre ; car le couvre-feu a depuis longtemps sonné. Vous savez combien Maillart et moi nous sommes affectionnés à votre mari et à vous ?

— Je vous sais gré de cette assurance.

— Or, le devoir des vrais amis est de parler en toute sincérité, n’est-ce pas ?

— Certes, rien de plus précieux, rien de plus rare que des amis sincères !