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à l’orient s’étendait la colline d’Acra ; au nord celle de Bezetha ; et à l’occident le Golgotha, ce Mont-Calvaire où avait été mis en croix le jeune homme de Nazareth sous les yeux de notre aïeule Geneviève. Au sommet du Calvaire s’élevait l’église de la Résurrection, bâtie sur les lieux mêmes du supplice de Jésus, église splendide jusqu’alors religieusement respectée, ainsi que ses trésors, par les Sarrasins, malgré la guerre atroce des croisés. Dans cette église se trouvait le sépulcre du Christ, prétexte absurde de cette effroyable guerre. Tel était l’aspect lointain de Jérusalem ; à mesure que j’en approchais, je voyais plus distinctement au delà de l’enceinte des murailles ses amphithéâtres de maisons blanches, carrées, surmontées de terrasses et, çà et là, se découpant sur l’azur foncé du ciel, les dômes de ses mosquées, les tours des basiliques chrétiennes et quelques verts bouquets de palmiers. Aux environs de la ville l’on n’apercevait pas un arbre ; le sol rougeâtre, pierreux, tourmenté, renvoyait la chaleur torride du soleil, qui allait bientôt disparaître à l’horizon. Aux abords du camp, dont les tentes se dressaient à peu de distance des murailles, je vis un grand nombre de croisés morts ou mourants des blessures reçues lors d’une sortie des assiégés ; les survivants poussaient des gémissements lamentables, appelant du secours, mais en vain ; tous les hommes, non-seulement valides, mais ceux-là même à qui leurs blessures permettaient de marcher, s’étaient, après la prise de Jérusalem, précipités dans la ville, afin de prendre part au pillage. Le camp abandonné ne contenait que des morts, des mourants, des chevaux et des bêtes de somme ; à mesure que je m’approchais de la ville, dont les portes avaient été enfoncées après le siége, j’entendais un bruit confus formidable ; effrayant mélange de cris d’épouvante et de rage, de supplications désespérées, çà et là dominés par ces clameurs frénétiques : — Dieu le veut ! Dieu le veut ! — Après avoir chancelé, trébuché sur des milliers de cadavres amoncelés aux abords de la porte de Bezetha, j’arrivai à l’entrée d’une longue rue aboutissant à une vaste place au milieu de laquelle s’élevait la merveilleuse