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frain de la croisade, répété en chœur par la multitude qui suivait l’armée :

« — Jérusalem ! Jérusalem ! — ville des merveilles, — ville heureuse entre toutes, — tu es l’objet des vœux des anges, — et tu fais leur bonheur ! — Le bois de la croix — est notre étendard ; — Suivons ce drapeau — qui marche en avant, — guidé par le Saint-Esprit ! — Dieu le veut ! — Dieu le veut ! — Dieu le veut ! »




Moi, Fergan, j’avais quitté Marhala avec ma femme et mon fils, habillés à neuf, grâce à l’or trouvé par moi dans le désert. Un âne portait nos provisions, une outre pleine d’eau et un sac de dattes ; je m’étais armé, afin de pouvoir nous défendre contre les maraudeurs. Quitter l’armée des croisés en ce moment aurait été folie ; j’espérais qu’après la prise de Jérusalem un assez grand nombre de croisés retourneraient en Europe en s’embarquant à Tripoli sur les vaisseaux génois ou vénitiens ; qu’au moyen de notre petit trésor je pourrais payer notre passage jusqu’à Gênes ou Venise, et de là, traversant une partie de l’Italie, revenir en Gaule et nous rendre à Laon, en Picardie, où sans doute devait habiter encore Gildas, frère aîné de Bezenecq-le-Riche, comme nous descendant de Joel. J’éprouvais un vif désir de voir Jérusalem, cette ville où, plus de mille ans auparavant, notre aïeule Geneviève avait assisté au supplice du charpentier de Nazareth, ce pauvre artisan, ce doux et grand sage, l’ami des captifs, des pauvres et des affligés, l’ennemi des prêtres hypocrites, des riches et des puissants du jour. Jehanne et Colombaïk montaient tour à tour sur notre âne lorsqu’ils étaient fatigués ; j’éprouvais un grand bonheur à voir, pour la première fois de ma vie, ma femme et mon enfant proprement vêtus et reprendre peu à peu leurs forces, naguère épuisées par tant de fatigues et de privations. Nous suivions l’armée ; en tête marchaient des chevaliers portant la bannière de saint Pierre, le disciple de Jésus ; Pierre, le premier des papes de