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angles, enchaînée à la poutre, apparaissait Azenor ; ses pieds reposaient sur la tablette d’appui, que les flammes commençaient d’atteindre. À quelques pas de la victime, le duc d’Aquitaine, agenouillé parmi les prêtres, répétant leurs chants de mort, s’écriait de temps à autre, en sanglotant : — Seigneur ! Seigneur ! absolvez-moi de ma souillure ! que mon repentir et le juste supplice de cette juive immonde me méritent votre grâce !

— Ô Wilhem ! — s’écria la condamnée d’une voix encore ferme et vibrante, — je sens déjà l’ardeur des flammes ; elles vont réduire mon corps en cendres ! Va ! ces flammes sont moins dévorantes que celles de la jalousie ! Hier, poussée à bout, sachant ta superstitieuse horreur des filles d’Israël, j’ai, par ma révélation, assuré ma vengeance et ma délivrance ; quelques instants de supplice vont me débarrasser de la vie, et ta crédule stupidité me venge ; oui, car à cette heure te voilà, toi, le brillant duc d’Aquitaine, te voilà le jouet et la dupe de ces prêtres qui se rient de ton imbécile épouvante !

— Tais-toi, infâme ! — s’écria le légat du pape ; — tais-toi, bête immonde ! les flammes dont tu es entourée ne sont rien auprès du feu éternel où tu vas aller brûler jusqu’à la fin des siècles. Malédiction ! extermination sur ton exécrable race, qui a mis en croix le sauveur du monde ! Tous les infidèles, tous les hérétiques, doivent, comme toi, périr par le feu !

— Oui, oui, malédiction sur les juifs ! mort aux juifs ! — hurlèrent les pauvres gens de cette foule dans leur fanatisme non moins sauvage que celui de Wilhem IX. Soudain des cris déchirants dominèrent ces clameurs ; Azenor-la-Pâle, malgré son courage, se tordait de douleur sous ses chaînes, en sentant l’atteinte du feu qui, commençant à lui brûler les jambes, venait d’enflammer sa robe et ses longs cheveux. Bientôt le madrier où elle était enchaînée, prenant feu par le pied, vacilla, tomba dans la fournaise et y disparut avec la victime au milieu d’un nuage de flammes et d’étincelles. Le duc d’Aquitaine, embrassant alors les genoux d’Antonelli, légat du pape,