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puis, au milieu d’un groupe de hauts dignitaires de l’Église, dont les mitres et les chapes d’or étincelaient au soleil levant, venait le prêtre marseillais, Pierre Barthelmy, pieds nus, et vêtu d’une chemise blanche ; il tenait triomphalement à la main la sainte et miraculeuse lance. Ce faiseur de miracles, grand coquin d’une physionomie à la fois béate, matoise et sournoise, précédait d’autres clercs portant des bannières ; puis, entre deux files de soldats, s’avançaient lentement Azénor-la-Pâle, vêtue d’une longue robe noire, les mains liées derrière le dos, assistée de deux moines, et reconnue coupable de l’abominable crime d’être née juive ; elle était convaincue de cette énormité, non-seulement par sa révélation faite à Wilhem IX dans un emportement de vindicative jalousie, mais encore par la lecture du parchemin qu’elle lui avait remis afin de dissiper ses doutes. Dans ce parchemin, écrit en langue hébraïque et remontant à plusieurs années, le père d’Azénor lui recommandait de mourir fidèle à la foi d’Israël. À quelques pas derrière la victime se traînait, par pénitence, sur ses genoux nus et déjà endoloris, Wilhem IX, duc d’Aquitaine, pâle, les cheveux en désordre et couverts de cendres. Sa figure, la veille encore hardie, railleuse, intelligente, avait une incroyable expression de terreur hébétée ; ses yeux égarés roulaient dans leur orbite rougie par les larmes. Vêtu d’un sac, les pieds nus et poudreux comme ses genoux, tenant un crucifix entre ses mains jointes, il s’écriait, de temps à autre, d’une voix lamentable, en se meurtrissant la poitrine à coups de poing : — Meâ culpâ ! meâ culpâ ! Seigneur Dieu ! ayez pitié de mon âme ; j’ai commis le péché de la chair avec une juive immonde, je suis damné sans votre miséricorde ! Ô Seigneur, Meâ culpâ ! meâ culpâ ! Le légat du pape et l’archevêque de Tyr, debout et splendidement vêtus, marchaient à côté du duc d’Aquitaine, lui disant de temps à autre, à haute voix, afin d’être entendus de l’assistance :

— Mon fils en Christ, espère en la miséricorde du Seigneur, mérite sa clémence par ton repentir ;