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l’armée, Fergan entra dans cette demeure ; puis, au grand étonnement de Jehanne, il tira de sa ceinture une pièce d’or qu’il changea au tavernier contre des deniers d’argent, afin de payer le loyer d’une chambre. Seul avec sa famille, le serf put se livrer à sa tendresse et raconter comment, après avoir été séparé des siens et jeté loin d’eux par la violence de la trombe, il s’était trouvé à demi enseveli sous les sables et privé de sentiment ; la nuit venue, il fut tiré de son engourdissement par une morsure aiguë à l’épaule ; c’était une hyène qui, déblayant avec ses pattes le sable sous lequel Fergan, presque entièrement enfoui, allait sans doute périr, voulait le dévorer, le prenant pour un cadavre ; mais, le voyant se redresser, l’hyène prit la fuite. Ainsi délivré d’un double danger, le serf avait erré durant la nuit, entendant les bêtes féroces hurler à la curée qu’elles faisaient des corps déterrés par elles. À l’aube il vit, à demi dévorés, les restes de Neroweg VI : telle fut la fin du seigneur de Plouernel… Après avoir en vain cherché Jehanne et son enfant, Fergan les crut à jamais perdus pour lui, et suivit le chemin jalonné par des ossements humains. Au bout de quelques heures de marche, il rencontra les débris du cadavre d’un seigneur, à en juger par la richesse de ses vêtements mis en lambeaux par les bêtes de proie. Parmi ces lambeaux se trouvait une pochette brodée, remplie d’or ; Fergan s’en empara sans scrupule, et bientôt après fut rejoint par une troupe de voyageurs se rendant à Marhala ; il fit route avec eux, à son arrivée dans la ville, apprenant la venue de plusieurs voyageurs aussi échappés aux désastres de la trombe, il s’informa d’une femme contrefaite accompagnée d’un enfant. Un mendiant, qui, d’aventure, avait vu Jehanne et son fils entrer dans le palais de l’émir, renseigna Fergan à leur sujet, et il put arriver à temps pour les arracher aux violences dont ils étaient menacés. Fergan, après le récit de ses aventures, laissant sa femme et Colombaïk dans la taverne, sortit au lever du soleil et se dirigea vers la place du marché, afin d’y acheter des vêtements provenant du butin, que l’on vendait à la criée. Craignant