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Beaugency, — je voudrais bien savoir ce que fait à cette heure ma femme Capeluche ?

— Ce qu’elle fait, bon sire ? — reprit joyeusement Wilhem IX fort peu soucieux de la sombre tristesse d’Azénor, — ce qu’elle fait, la noble dame Capeluche ? Puisque tu t’obstines à le savoir, je vais te le dire, moi… Réponds : où est la chambre de ta femme ?

— Au plus haut étage de ma tour de Beaugency, d’où l’on découvre la Loire, depuis Orléans jusqu’à Blois, — répondit Radulf avec un hoquet et pouvant à peine soutenir sa tête de plus en plus appesantie par les fumées du vin. — Mon donjon est le plus fier donjon de tout l’Orléanais !

— Ah ! dame Capeluche ! — s’écria Wilhem IX en abritant sa vue sous sa main et feignant de regarder au loin ! — Ah ! fripon de page ! fripon de Joliet-brin-de-Muguet !

— Quoi ?… que vois-tu ? — dit Radulf en écarquillant ses paupières alourdies par l’ivresse. — Que vois-tu donc ?

— Ferme les yeux, bon sire de Beaugency, ferme les yeux !

— Pourquoi ? — dit Radulf avec un nouveau hoquet. — Pourquoi… fermer les yeux ?

— Bon sire, veux-tu donc voir le petit Brin-de-Muguet se gourmer avec ton chapelain, ce grand coquin de Samson-chaude-Oreille ?

— Ah ! ah ! ah ! ils se gourment… et pourquoi ?

— Le page venait d’apporter un chaudeau à dame Capeluche ; arrive le chapelain apportant ses patenôtres ; aussi mes deux champions, en jaloux serviteurs de leur maîtresse, se sont pris aux cheveux. Mais que vois-je ?… Ô mes hôtes, buvons à la charité de dame Capeluche ! elle met d’accord le page et le chapelain !

— Buvons à dame Capeluche ! — crièrent les croisés en riant aux éclats, tandis que le sire de Beaugency, complètement ivre, s’endormait sur la table en balbutiant : — J’aurais bien voulu savoir ce que… faisait… à… cette heure… ma… femme… Capeluche ?

— Pardieu, mes seigneurs ! — reprit en riant le duc d’Aquitaine,