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Rédempteur du monde ; ce fer mystique, porté à la tête de l’armée, assurera la victoire des chrétiens et percera le cœur des infidèles. » Pierre Barthelmy me fait part de cette miraculeuse vision ; je rassemble six évêques et six seigneurs, nous nous rendons dans l’église, on creuse en notre présence au pied du maître-autel, et…

— Et l’on trouve le fer de la sainte lance ! — dit Wilhem IX en riant aux éclats et revenant à ses habitudes d’incrédulité railleuse, étrange contradiction chez cet homme, qui poursuivait les juifs d’une haine fanatique et insensée. — Pardieu !… ce fer de lance était caché là d’avance ! je connais vos tours d’adresse, mes saints compères !

— Tu te trompes, mécréant, — répondit Antonelli : — Pierre Barthelmy ne trouva rien du tout dans le trou…

— Miracle ! — s’écria Wilhem IX en redoublant d’éclats de rire. — Ah ! voilà le miracle ! trouver la lance n’aurait eu rien de surnaturel !

— Quel malheur qu’un homme qui hait si catholiquement les juifs se montre à ce point mécréant ! Mais tôt ou tard la grâce d’en haut descendra sur lui, — dit le légat du pape d’un ton solennel ; puis il ajouta : — Je vais confondre ton incrédulité, Wilhem. On ne trouva donc point d’abord, il est vrai, le fer de lance dans le trou ; mais Pierre Barthelmy, poussé par une nouvelle inspiration de saint André, se jette dans le trou, le creuse plus profondément encore avec ses ongles, et découvre enfin le fer de la sainte lance…

— Pardieu ! — dit le duc d’Aquitaine en riant de nouveau, — il avait caché le fer dans sa manche !

— C’est ce que des païens comme toi, Wilhem, osent soutenir, jaloux des riches offrandes que les fidèles apportent chaque jour en adoration de la sainte lance ; aussi demain matin, pour confondre la malignité, Pierre Barthelmy, afin de prouver à tous la merveilleuse efficacité de sa relique, se mettra tout nu, prendra en main la sainte lance, et traversera un bûcher enflammé sans ressentir la moindre