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— Non, grâce à ma prière.

— Quoi ! de la pitié pour Neroweg-pire-qu’un-Loup ! — s’écria Yolande avec une explosion de colère et de haine. — Oh ! je ne suis qu’une femme ! mais je l’aurais poignardé sans remords…

— Que vous a-t-il donc fait ?

— Il m’a dépouillé de l’héritage de mon père, et de honte en honte je suis devenue la compagne de la reine des ribaudes.

— Ah ! damoiselle Yolande, — dit Perrette en revenant à sa gaieté cynique, — tu seras donc toujours fière ?

— Moi ? — répondit la jeune fille avec un triste et amer sourire. — Non, non, la fierté ne m’est pas permise ; tu es la reine, je ne suis qu’une de tes humbles sujettes.

— Allons, mes filles ! — dit la matrone, — le jour baisse, rendez-vous vite aux bains de l’émir rejoindre vos compagnes. Quant à toi, ma belle, — ajouta l’horrible mégère en s’adressant à Jehanne et riant aux éclats, — quant à toi, ma belle, nous allons aussi te parer, te parfumer, et surtout faire rayonner ta bosse d’un incomparable éclat !

— Vous me ferez tout ce qu’il vous plaira lorsque vous aurez eu soin de mon fils ; il a faim, il a soif, il est brisé de fatigue, il faut qu’il répare ses forces, qu’il dorme ; je ne le quitterai pas d’un moment.

— Sois tranquille, mon astre de beauté, tu resteras près de lui, il ne chômera de rien. J’ai autant que toi intérêt à ce que ce chérubin soit reposé, frais et avenant, — répondit l’infâme mégère ; — puis, s’adressant à l’autre vieille : — Toi, cours à l’instant chez le seigneur Antonelli, légat du pape, l’avertir de ce que tu sais… il ne manquera pas, j’en suis certaine, de venir ce soir ici avec nos chers et nobles seigneurs.




La cour intérieure du palais de l’émir de Marhala offrait ce soir-là