Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/342

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous égorge, afin que nous mourions tout de suite… Dites, madame ? qu’est-ce que cela vous fait, que nous mourions tout de suite ? (Alix de Montmorency baisse les yeux, reste muette et serre son chapelet entre ses mains tremblantes.)

La dame de Lavaur, d’une voix déchirante. — Vous ne répondez pas ? Vous me refusez ? Eh bien, je vous en conjure ! écoutez une dernière prière ; dites qu’on me brûle, mais qu’on tue tout de suite mon fils d’un coup d’épée… Quoi ! pas même cela ?… Vous restez muette ?… Mon Dieu ! mon Dieu !… Mais vous n’avez donc pas d’enfant ? que vous êtes si méchante ?

Aloys s’agenouille à côté de dame Giraude ; il a les mains liées derrière le dos, ses mouvements sont gênés ; mais fondant en larmes, il approche son visage des lèvres de sa mère qui le couvre de pleurs et de baisers ; Alix de Montmorency, dont les yeux deviennent humides, regarde timidement Montfort, et lui dit à voix basse : — Monseigneur, malgré son crime cette hérétique me fait pitié… Ne pourrait-on pas lui accorder ce qu’elle demande ?

L’abbé Reynier, vivement. — Madame, cette femme est, en sa qualité de châtelaine de Lavaur, encore plus condamnable qu’une autre, il faut qu’elle et son fils soient aussi brûlés… ce sera un grand exemple !

Montfort, avec impatience. — Eh ! mon père, pourvu que cette hérétique meure par la corde, par le fer ou par le feu, peu importe ! l’exemple sera fait. Et puis… la dame de Lavaur est, après tout, de noble race… l’on doit accorder quelque chose à la noblesse ! (Jetant çà et là autour de lui son regard morne, le comte ajoute avec une expression de dégoût et de lassitude :) Pourtant, voir égorger là… devant moi… cette femme et son enfant… Que Dieu me pardonne une coupable faiblesse, mais le cœur me manque ! (Il remarque la citerne et appelle le prévôt.) Allons… finissons ! qu’on jette dans ce puits la mère et le fils, et quelques grosses pierres par-dessus eux !

La dame de Lavaur, avec reconnaissance. — Oh ! merci ! merci ! (À