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encore fumantes, je touche à la tombe, je ne possède plus rien : mais vois-tu, moine, je devrais vivre autant que j’ai vécu, je serais encore riche, j’aurais encore là près de moi mon fils… le fils chéri de ma vieillesse… que moi et mon enfant nous te dirions : La mort, mille fois la mort plutôt que d’embrasser ta religion, au nom de laquelle on pille, on incendie, on viole, on torture, on égorge ! Je suis prêt à mourir, laisse-moi seulement t’adresser une prière : Giraude, dame de Lavaur, est en ton pouvoir… Je l’ai vue naître ; jamais créature plus angélique n’a mérité la bénédiction des hommes. Grâce pour notre bonne dame de Lavaur ! grâce pour elle et pour son fils, un pauvre enfant de quatorze ans !

Les prisonniers, parmi lesquels se trouve Florette, s’agenouillent en criant. — Grâce pour notre bonne dame de Lavaur et pour son fils ! grâce !

Florette seule reste debout ; la jeune femme de Mylio, pâle, livide, n’entend rien, ne voit rien de ce qui se passe autour d’elle ; sa pensée est avec son époux, qui l’a quittée peu de jours après leur mariage pour prendre part à la guerre ; Florette le croit mort. Ne s’étant pas agenouillée comme les autres prisonniers, elle attire ainsi l’attention de l’abbé Reynier ; il la reconnaît, tressaille et se dit : — La nièce de Chaillotte… Ah ! pendard de Mylio, je serai doublement vengé !

Le vieillard, à Alix de Montmorency qui, pâle et les yeux baissés, égrène dévotement son chapelet. — Madame… au nom de votre mère, grâce pour notre bonne dame de Lavaur !

Alix de Montmorency, impassible. — Si elle n’abjure pas son hérésie, elle doit périr… je prierai Dieu pour sa pauvre âme !

L’abbé Reynier, aux prisonniers. — Ainsi, vous refusez d’entrer dans le giron de notre sainte mère l’Église catholique, apostolique et romaine ?

Les hérétiques. — Nous refusons ! — Les crimes des Romieux nous font horreur ! — Nous sommes prêts à mourir !