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de paille arrosée de goudron ; puis d’un lit de bois résineux ; puis, toujours ainsi, couche par couche, ils s’élèvent jusqu’à dix ou douze pieds au-dessous du niveau du parapet. Les bourreaux, descendant au moyen d’échelles dans le fossé, allumeront plus tard ces bûchers qui, bientôt confondus en un même embrasement, deviendront une immense fournaise. Au delà du rempart c’est la plaine, la riante et fertile campagne de l’Albigeois, arrosée par le cours sinueux de la rivière l’Agoult ; ces prairies, ces guérets, ces vignobles, mélangés de massifs de chênes, de pins, d’oliviers, s’étendent au loin, et la brume matinale voile à demi les cimes bleuâtres de la chaîne des Cévennes, qui se dessine à l’extrême horizon. Faisant face au fossé, une porte basse, voûtée, surmontée d’un machicoulis, construction défensive ressemblant à un balcon de pierre, est pratiquée dans la muraille qui entoure l’esplanade ; à droite de ce balcon, où l’on peut monter par un escalier extérieur, vous voyez une large et profonde citerne ceinte de sa margelle de pierre ; à gauche sont alignées quatre-vingts hautes potences ; à chacune d’elles pend une corde à nœud coulant. Ces instruments de supplice ont été dressés durant la nuit ; à leur pied sont encore, çà et là, des pinces de fer, des cognées, des houes, dont l’on s’est servi pour fouiller le sol et équarrir les charpentes. Enfin, vers le centre de ce vaste terrain, s’élève un échafaud de douze pieds carrés, ayant en son milieu un siége de bois, dont les bras et le dossier sont garnis de courroies. Le soleil s’est depuis longtemps levé radieux dans un ciel d’azur. Soudain la cloche d’une église voisine sonne lentement un glas funèbre ; bientôt s’ouvre la petite porte qui donne accès sur le balcon de pierre, où des siéges ont été disposés d’avance ; là, s’asseoient tour à tour : les archevêques de Lyon et de Rennes, les évêques de Poitiers, de Bourges, de Nantes, et d’autres prélats, vêtus de leurs habits sacerdotaux ; Montfort et Alix de Montmorency viennent ensuite, accompagnés du légat du pape et de l’abbé Reynier ; ils prennent place au premier rang de cette tribune qui domine l’esplanade, où l’on voit entrer, à un signe de Montfort, des hommes