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son frère du généreux motif qui l’a conduit au camp des croisés. Hugues de Lascy s’approche de Montfort et lui dit : — Seigneur, l’aube va bientôt paraître, tout est prêt pour l’attaque de Lavaur… Quels sont vos ordres ?

Montfort. — Qu’au soleil levé on sonne l’attaque… Encore trop faible pour monter à cheval, je me ferai porter en litière afin d’encourager les assaillants. Quant à ces trois hérétiques, leur supplice sera le signal de l’assaut… fais préparer leur bûcher.

Peau-d’oie, stupéfait. — Comment ! ces trois hérétiques ! un instant, diable ! j’ai abjuré ! moi, j’ai abjuré !

Karvel, à Montfort. — Ainsi, comte, nous allons mourir !… Merci de cette mort !… la Gaule saura que tu m’as envoyé au bûcher, moi… moi qui, confiant dans la parole de ta femme, suis venu à ton camp pour te sauver la vie.

Mylio, à Montfort. — Merci de cette mort… lâche, félon… chevalier sans parole et sans foi !

Le comte à ce reproche baisse la tête, son cœur de soldat est cruellement atteint par cette juste accusation de félonie. L’abbé Reynier voyant le trouble de Simon, s’écrie d’une voix tonnante : — La foi !… ces misérables osent parler de foi ! et toi, Montfort, tu serais sensible à des reproches sortis de pareilles bouches… Quoi ! tu oserais oublier ces paroles sacrées de notre saint père Innocent III : « Nul n’est tenu à la foi envers ceux qui manquent de foi envers Dieu. » Quoi ! tu te croirais engagé envers ce forcené qui, par la pestilence hérésiarque de ses paroles, a damné des âmes par milliers !… Veux-tu donc que, grâce à ta criminelle faiblesse, il vive pour vouer encore d’innombrables malheureux aux flammes éternelles ? Te sens-tu capable de prendre devant Dieu cette responsabilité terrible ?

Montfort, avec épouvante. — Oh ! Jamais, mon père, jamais !

L’abbé Reynier. — Alors, haut le front ! intrépide soldat de la foi catholique ! Le ciel fera tomber Lavaur entre nos mains… Viens, viens te saintement préparer à ce nouveau triomphe, en recevant