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Mylio, à Montfort, d’une voix émue. — Mon frère est, dis-tu, ton prisonnier ?… Tu me tends sans doute un piége ; … mais, fût-il là, devant moi, chargé de liens, Karvel me maudirait si, acceptant ton offre, j’étais assez infâme pour te promettre d’exhorter les habitants de Lavaur à se soumettre à ton Église abhorrée !

Soudain on entend la voix sonore et douce du médecin, qui, retenu dans la chambre voisine, a écouté les paroles de Mylio, et s’écrie : — Bien ! bien ! mon noble frère !

Mylio, tressaillant. — La voix de Karvel !… il est là !…

Le trouvère veut aller rejoindre son frère, mais Lambert de Limoux et Hugues de Lascy se jetant sur Mylio le maintiennent. Montfort se tourne vers l’un de ses écuyers placé près de la porte de la chambre voisine et dit : — Laisse entrer l’autre hérétique.

Presque aussitôt Karvel-le-Parfait s’avance vers son frère avec un sourire de tendresse ineffable, puis, s’adressant à Montfort et lui montrant les chevaliers qui contiennent Mylio : — Quoi ! de la violence contre un ennemi désarmé ?… Allons, Montfort, toi, un soldat ? toi qui, dis-tu, te connais en courage… fais cesser cette indignité…

À un signe du comte, les chevaliers laissent Mylio en liberté ; les deux frères se jettent dans les bras l’un de l’autre et demeurent embrassés pendant quelques instants. Peau-d’Oie les contemple avec attendrissement ; une larme lui vient aux yeux ; il l’essuie du bout de son doigt, et dit en soupirant : — Pauvre Mylio ! il serait sauvé… s’il s’était comme moi encatholiquaillé. J’ai commis là, il est vrai, une fière lâcheté !… Ah ! si je n’avais point tant peur du fagot… avec quelle jubilation je dégorgerais sur cet infâme ribaud d’abbé Reynier, la bile qui m’étouffe !

Et, ce disant, Peau-d’Oie profite d’un moment où il n’est pas vu pour faire une laide grimace au moine, et lui montrer le poing. Karvel et Mylio, après s’être tendrement embrassés à plusieurs reprises, échangent à voix basse quelques mots. Karvel instruit ainsi