Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/327

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les flammes du bûcher seront, aux yeux du Seigneur, une très-agréable expiation de l’abominable passé de ce nouveau converti ; s’il nous trompe, le bûcher sera la juste punition de son mensonge sacrilége.

Montfort et sa femme, frappés du double avantage de la proposition du moine, échangent un regard approbatif ; Peau-d’Oie se dit à lui-même : — Ils se consultent… je suis sauvé !… Corbœuf ! quelle heureuse idée j’ai eue là, de me donner pour un marmot à baptiser ! Mon parrain et ma marraine me feront peut-être un petit présent.

Montfort. — Relève-toi ! Dieu saura si ta conversion est sincère.

Peau-d’oie, à part lui. — Bon, bon ; ce n’est plus qu’une affaire entre Dieu et moi… Nous nous arrangerons toujours bien ensemble !

Le jongleur se relève, et va se placer prudemment loin de Mylio, sur lequel il jette un regard de compassion.

Montfort, à Mylio. — Tu as un frère pasteur de ces hérétiques endiablés, il jouit d’une grande influence dans la ville de Lavaur ?

Mylio, fièrement. — Tous les habitants donneraient leur vie pour sauver la sienne.

Montfort. — Je te permets de retourner à Lavaur ; tu diras aux habitants ceci : « Abjurez votre hérésie, rentrez dans le giron de la sainte Église catholique, livrez à Montfort, sans condition, la dame de Lavaur, son fils, les consuls de la ville, et cent habitants des plus notables, abandonnez vos biens aux soldats du Christ, et vous aurez la vie sauve ; sinon, demain, à l’aube, le signal de l’attaque sera donné aux croisés par les flammes du bûcher de Karvel-le-Parfait. »

Mylio, avec stupeur. — Mon frère !

Montfort. — Il est ici, prisonnier… Tu le verras de tes yeux.

Mylio, consterné. — Mon frère !… prisonnier !…

Peau-d’oie, tout bas, à Mylio. — Imite-moi donc !… abjure… et demande le baptême… Corbœuf ! je me ferais baptiser et rebaptiser millc fois !… car, malgré mon horreur de l’eau, je préfère encore l’onde lustrale… au fagot.