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habituelle, qui devait te livrer Florette, sa nièce, une enfant de quinze ans… Or, sans moi et Peau-d’Oie que voilà, il peut le dire, tu allais…

Peau-d’oie tremblant de tous ses membres, interrompt Mylio, se jette aux pieds de Montfort, et s’écrie, les mains jointes : — Illustre et secourable seigneur, je ne me rappelle rien… Je suis bouleversé, fasciné, ébloui... Le passé se brouille dans mon cerveau… Tout ce dont je me souviens, c’est que j’étais un porc, une bête immonde. Hélas ! ce n’était pas ma faute : car, le croiriez-vous, redoutable soutien de l’Église, je n’ai point encore, à mon âge, reçu le baptême… Hélas ! non. Mais tout à l’heure, en contemplant votre auguste, face, il m’a semblé voir resplendir autour de votre sainte personne une manière d’auréole ; un de ces divins rayons, me pénétrant soudain, m’a donné une soif inextinguible de la source céleste, et m’a affamé du baptême, qui me purifiera de mes abominables souillures… Ah ! pieux seigneur ! Vous et votre pieuse épouse, daignez me servir de parrain et de marraine ; consentez à me tenir sur les fonts baptismaux… Je vous devrai le salut de mon âme, et onc n’aurez vu plus forcené catholique que votre fillot… Je serai l’exemple des fidèles.

Montfort, à demi-voix, à l’abbé Reynier, d’un air de doute. — Hum !… ce gros mécréant me paraît bien promptement touché de la lumière divine… ! Pourtant, il peut être sincère.

Alix de Montmorency. — Souvent le Seigneur se plaît à retarder les effets de sa grâce pour la rendre plus éclatante.

L’abbé Reynier, à demi-voix. — Sans doute ; mais il se pourrait aussi que la crainte du supplice, et non la foi, amenât la conversion de ce pécheur.

Montfort. — Alors, que faire ? 


L’abbé Reynier, à demi-voix. — Le brûler comme les autres !

Alix de Montmorency. — Mais, mon père, s’il est sincère ?

L’abbé Reynier, à demi-voix. — Raison de plus… S’il est sincère,