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eux au moment où, à la tête d’une troupe d’habitants du pays, il essayait de pénétrer avec eux dans la ville de Lavaur, afin de renforcer sa garnison. Peau-d’Oie est aussi captif ; il a été amené avec le trouvère dans la grand’chambre de la villa par Lambert de Limoux et Hugues de Lascy. Karvel est resté auprès de Montfort. Mylio est blessé au bras, un mouchoir ensanglanté bande sa plaie ; le jongleur, quoique sain et sauf, semble encore effaré par la peur. L’abbé Reynier, instruit de l’état inquiétant du comte, a été le rejoindre, tandis que Hugues de Lascy et Lambert de Limoux, gardant baissée la visière de leurs casques, s’entretiennent à voix basse et s’éloignent de quelques pas du trouvère et de son ami.

Mylio, à son compagnon, avec un accent de regret. — Mon pauvre Peau-d’Oie ! te voilà prisonnier… c’est ma faute.

Peau-d’oie, d’un ton fâché. — Oui ! c’est ta faute ! J’étais mort, très-mort ; ne pouvais-tu laisser en paix mes cendres ?

Mylio. — Que veux tu ? Au moment où, grâce à la sortie des braves gens de Lavaur, commandés par Aimery, j’allais entrer dans la ville, je m’aperçois de ton absence ; inquiet, je m’arrête, et, à la faveur du clair de lune, je te vois à vingt pas de moi, couché sur le ventre…

Peau-d’oie. — Corbœuf ! couché sur le dos, j’aurais eu la bedaine crevée sous le piétinement des combattants !

Mylio. — … Je cours à toi te croyant blessé ; pendant ce temps-là nos compagnons entrent dans la ville, la porte se referme sur eux, nous demeurons toux deux dehors et… nous sommes pris.

Peau-d’oie. — Ce que je te reproche, surtout, c’est d’avoir attiré sur moi, honnête et paisible mort que j’étais, l’attention de ces truands ; car l’un d’eux s’écrie, en me désignant : « — Cette montagne de chair est si énorme, que je gage qu’après l’avoir traversée, ma pique y demeure enfoncée jusqu’à la moitié de son manche. »

Mylio. — À ces mots, tu as fait une espèce de saut de carpe si pro-