tenait à la fois du masculin et du féminin ; un turban de vieille étoffe jaune et rouge couvrait à demi ses cheveux noirs, épais et frisés, une longue veste ou cafetan de soie vert pâle à broderies éraillées, dépouille d’un Sarrasin, et deux fois trop large pour elle, lui servait de robe ; serré à sa taille par un lambeau d’étoffe, ce vêtement laissait voir les jambes nues de la Ribaude et ses pieds poudreux, chaussés de mauvaises sandales ; elle portait au bout d’un bâton un petit paquet de hardes. À son entrée dans la salle, Perrette dit à la vieille d’un ton délibéré : — Je me trouvais sur la place, où l’on faisait une vente de butin à la criée ; une vieille femme, après m’avoir longtemps regardée, m’a dit : « — Tu me parais une bonne fille… veux-tu changer tes guenilles pour de beaux habits et mener joyeuse vie dans un palais ? viens avec moi. » — J’ai répondu à la vieille : Marche, je te suis… et me voilà ?
— Tu me parais une délurée commère ?
— J’ai dix-huit ans et je m’appelle Perrette-la-Ribaude.
— J’aurais deviné ton nom sur ta mine effrontée ; tu me plais, je te garde. Cependant, dis-moi ? es-tu bonne compagne ? point querelleuse ? point jalouse ?
— Ah ! j’aurais des compagnes ici ?
— Oui.
— J’entends… Mais plus je vous regarde, honnête matrone, plus il me semble vous avoir déjà vue… Est-ce que vous ne teniez pas à Antioche la taverne de la Croix-du-Salut ?
— Tu ne te trompes pas.
— Ah ! vous avez dû gagner là des sacs de besans d’or ? Quelle vie menaient dans votre maison les seigneurs croisés avec vos jolies pupilles, vénérable patronne !
— Et toi, quelle vie menais-tu à Antioche ?
— Moi ?… j’étais amoureuse.
— Cela va de soi ; mais de qui ?
— D’un roi !