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malheureusement ils sont hérétiques et n’ont point reçu le baptême…

Karvel. — Qu’arrive-t-il ?

Montfort. — Les pauvres petites créatures, encore toutes dégoûtantes de la souillure du péché originel, s’en vont droit en enfer ; mais du moins, vu leur jeune âge, elles ont l’espoir d’être un jour rachetées des flammes éternelles par les prières des fidèles, et pardonnées par le Seigneur, grâce qu’elles n’obtiendraient jamais si elles croupissaient dans la pestilence hérésiarque !

Karvel. — Ainsi : en ces temps de guerre sainte, égorger au hasard un enfant catholique, c’est l’envoyer tout droit au paradis ! égorger un enfant hérétique, c’est lui donner grande chance d’échapper à l’enfer !

Montfort. — Oui.

Karvel. — Me voilà fixé sur le sort des enfants… Maintenant, un mot sur le sort des femmes… Je désire, tu le vois, m’instruire.

Montfort. — Parle… parle… Je te l’ai dit : tu es un homme courageux, je voudrais sauver ton âme… et peut-être, durant notre entretien, tes yeux s’ouvriront-ils à la lumière.

Karvel. — Jamais plus grand miracle ne serait opéré. Donc, parlons des femmes. Il y a dans le château de Lavaur, que tu assiéges, une femme… un ange de bonté, de vertu ; elle se nomme dame Giraude. Laisse-moi achever… — ajoute Karvel en voyant le comte bondir de fureur sur sa couche, — pas d’emportement ! l’irritation te serait funeste en ce moment ; mais, tiens, bois quelque peu de ce breuvage. Ta femme, pieusement absorbée dans ses oraisons, oublie naturellement la créature pour le Créateur, bois…

Karvel approche le flacon des lèvres du comte et l’aide à boire, tandis qu’Alix de Montmorency continue d’égréner son chapelet en marmotant ses patenôtres avec un murmure monotone, seulement interrompu çà et là par les coups violents qu’elle se donne à l’endroit où, par un raffinement de dévotion, le cilice de crin qu’elle