Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/288

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

doux langage de dame Morise, mon aimable hôtesse, que voici, ou de notre digne hôte Karvel, que voilà, et vous verrez, dame Vertu, si vous ferez fuir les gens, si l’on ne vous dira point au contraire : (il s’adresse à Morise) Dame Vertu, le pauvre vieux Peau-d’Oie a été jusqu’ici poursuivi par une horrible sorcière qui, usurpant votre nom, voulait, à grand renfort d’injures et de coups de griffes, se faire becquotter par lui. Hélas ! le vieux Peau-d’Oie reconnaît trop tard les artifices de la sorcière, car il n’est plus d’âge à becquotter personne ; aussi, gracieuse dame Vertu, plaignez Peau-d’Oie, il vous voit pour la première fois dans votre pure et charmante réalité. Mais, hélas ! encore hélas ! je suis trop vieux pour oser lever les yeux sur vous.

Morise, souriant. — Soit ! je suis dame Vertu ; et en acceptant ce nom, je ne suis certes pas dame Modestie ! Enfin, il n’importe, je suis dame Vertu ; or, comme telle, je vous engage fort, mon cher hôte, à oser lever les yeux sur moi. Point ne suis fière, ni exigeante, ni difficile, ni jalouse ; jeunes ou vieux, beaux ou laids, pourvu que leurs actes me prouvent que, parfois, ils gardent quelque souvenance de moi, me trouvent très-heureuse de leur amour. Vous le voyez, cher hôte, malgré votre âge, vous pouvez parfaitement aimer dame Vertu…

Peau-d’oie, se grattant l’oreille. — Oh ! certes, s’il ne s’agissait point de prouver cet amour, çà et là, par quelques bons petits actes, je me ferais votre servant, gracieuse dame Vertu ; mais, en toute humilité, je me connais, et…

Mylio. — Allons, mon vieil ami, pas de modestie outrée ; je vais te mettre en mesure de prouver à mon frère et à ma sœur que tu es capable d’un acte vaillant et généreux.

Peau-d’oie. — Ne t’engage pas trop… prends garde !

Mylio. — Tout à l’heure, pendant que tu dormais, j’ai fait part à Karvel, qui l’adopte, d’un projet utile et bon. Tu as entendu comme moi, à Blois, les paroles de l’abbé Reynier ; l’Église va bientôt déchaîner la guerre sur le Languedoc. Il faut, par nos chants,